Jacques ALVAREZ, Directeur de la station de Font Romeu Pyrénées 2000, est un homme de valeurs qui incarne une profonde passion pour sa terre natale. Issu d’un village de 130 habitants situé en contrebas de Font Romeu, il a cultivé son esprit d’équipe dès sa jeunesse, notamment en pratiquant le rugby. Malgré des débuts modestes en ski, son parcours l’a conduit vers une carrière enrichissante dans le milieu des domaines skiables.

Son engagement envers le service public et sa région est manifeste, notamment par son action au sein des pompiers volontaires ou il sert depuis 30 ans mais aussi pour sa contribution au développement de la station de ski Cerdane.

Dans cet article, il nous partage ses motivations profondes, ses réalisations, et ses réflexions sur l’avenir de la montagne, soulignant l’importance de préserver ce patrimoine naturel et culturel pour les générations futures.

Jacques ALVAREZ, pouvez-vous nous présenter votre parcours ? 

J’ai 48 ans, je suis marié et j’ai 2 enfants : une fille de 23 ans et un garçon de 18 ans, sportifs tous les deux. Je suis un enfant du pays catalan. J’ai grandi dans la vallée juste en dessous de Font Romeu, un petit village de 130 habitants. Dans ma jeunesse, j’ai beaucoup pratiqué le rugby et c’est là où j’ai commencé à construire mon esprit d’équipe, c’est d’ailleurs quelque chose qui me suit depuis toujours dans tout ce que j’entreprends.

A l’époque, je n’étais pas un très bon skieur. Nous étions 3 enfants et mes parents, avec un seul salaire, n’avaient pas les moyens de nous payer les forfaits de ski. J’y allais avec l’école mais très peu.

A l’âge de 18 ans, je me suis engagé au sein des pompiers volontaires, et cela m’a tout de suite passionné. J’ai fait mon service militaire dans la sécurité civile et cela va faire 30 ans que je fais partie de cette institution. J’ai beaucoup évolué dans ce milieu et je continue parce que cela me plaît et me permet de contribuer au service public en général et j’y retrouver des valeurs qui me sont chères.

J’ai fait des études en génie industriel et maintenance, et j’allais naturellement m’orienter vers l’industrie mais cela n’était pas facile dans le département des Pyrénées Orientales. Après une discussion avec un exploitant de domaine skiable, j’ai été mis en relation avec POMA et j’y ai fait mon stage de fin d’études.

J’ai eu un véritable coup de foudre pour ce milieu et je me suis dis que je voulais travailler dans ce monde technique au service de la montagne.

Fort de cette expérience j’ai voulu chercher un emploi dans mon pays catalan et je suis entré à Font Romeu le 15 octobre 1996. J’ai exercé plusieurs métiers différents et c’est peut-être ce qui fait que l’on arrive à tenir autant dans la durée. Je me retrouve à toucher à tout, c’est un peu comme j’avais changé d’entreprise plusieurs fois. A cette époque, l’activité sur la station est passionnante : on construit des remontées mécaniques, des réseaux de neige de culture, on assure la maintenance des téléskis, des télésièges… Je me retrouve très vite pris dans l’engrenage et je me rends compte que je ne veux rien faire d’autre que cela.

La période des années 2000 est difficile avec une station de Font Romeu qui connaît des difficultés financières lourdes. Nous étions en régime municipal et nous avions du mal à trouver un modèle viable. C’est à cette période que l’on décide de changer notre mode de gouvernance, de monter une DSP et deux ans après de débuter avec le groupe privé Altiservice.
A cette époque, nous gérions 6 stations de ski dans les Pyrénées. Je m’y suis beaucoup déplacé jusqu’en 2007 ou j’ai eu l’opportunité de revenir totalement sur Font Romeu pour occuper le poste de directeur adjoint. Je suis maintenant de Directeur de la station et j’assure également la fonction de Directeur Commercial pour Altiservice.

Jacques ALVAREZ, quelles sont vos passions ?

Ma passion, c’est mon pays. Je le découvre en permanence : la montagne, la mer… toujours à mi-chemin entre ces deux univers. Je trouve ce territoire incroyable et je n’ai pas encore fini d’en faire le tour.

J’aime la montagne sous toutes ses formes. Je pratique le VTT, la randonnée, mais aussi le ski de randonnée, le ski de fond ou le ski alpin. Ce sont des activités que je pratique souvent en solitaire. C’est ma manière de me ressourcer, et peut-être une forme de méditation. Le sport me permet de découvrir d’autres faces du département.

J’ai aussi la passion pour le rugby. C’est quelque chose qui me prend littéralement aux tripes. J’y retrouve des valeurs qui me sont chères, comme l’esprit d’équipe, la combativité́, l’altruisme. Des valeurs qui sont communes avec l’univers des pompiers, d’être capable à un moment donné de tout lâcher, de tout donner pour les autres, pour quelqu’un d’autre, pour un collectif. Dans le rugby, cela existe vraiment. Si vous n’êtes pas altruiste au rugby, vous n’êtes pas dans l’équipe, vous restez à coté. Lorsque je suis rentré dans la vie professionnelle, j’ai un peu coupé avec le rugby parce que je n’avais pas le temps d’y jouer.

J’ai renoué avec ce monde quand mon fils a grandi et a voulu s’y mettre. Je me suis retrouvé papa accompagnateur puis éducateur. Lorsque mon fils est parti jouer au rugby ailleurs, j’ai continué à entrainer les petits pendant presque 10 ans. Aujourd’hui, je ne les entraine plus mais je continue à m’occuper de la section sportive rugby du lycée de Font Romeu pour essayer de donner à ces gamins de la montagne la chance de pouvoir pratiquer ce sport jusqu’à leur meilleur niveau.

Mon autre passion, ce sont les pompiers. Même si c’est celle qui me prend le plus de temps et d’énergie je crois que je ne pourrai pas m’en détacher. C’est quelque chose de très personnel que de ressentir cette montée d’adrénaline, ce besoin d’être sous pression au moment donné et de devoir en quelques minutes trouver une solution pour rétablir la situation. Je vis en milieu rural et le système français de secours est basé à 80% sur le volontariat. S’il n’y a pas des gens à un moment donné avec des bonnes volontés, ce système va s’écrouler. Hélas, le volontariat et le bénévolat est quelque chose qui se perd en France et peut être qu’il faudra trouver d’autres moyens pour assurer ce service public à moyen terme. Pour ma part, je trouve que c’est une richesse en France d’avoir des gens qui viennent d’horizons différents, avec leur expérience, et qui la mettent à disposition d’un collectif. Collectivement, on trouve des solutions intéressantes et cela me plait beaucoup. C’est pour cela que je continue à m’y engager.

Quelles sont vos motivations ? Pourquoi nous levez-vous le matin ?

Il y a plus d’un siècle à Font Romeu, il y a des hommes qui ont eu l’idée de créer une station de ski, qui ont eu l’envie et la force de la construire. Aujourd’hui, nous avons les clés de cet héritage, et nous avons un devoir de l’entretenir et de laisser à nos enfants la chance d’y travailler s’ils le souhaitent. S’ils ne veulent pas, ils feront autre chose, mais en tout cas c’est important de leur donner cette possibilité́-là et je pense que cela c’est vertueux.

Dans le contexte actuel, c’est un peu difficile parce qu’il y a des gens qui ne comprennent pas notre activité ou qui ne veulent pas la comprendre, et qui voudraient même la voir disparaitre. Personnellement, je pense qu’ils n’ont pas le droit de nous imposer cette vision-là parce que qu’ils ne savent pas ce que c’est que de vivre en montagne, dans un milieu rural éloigné́ des grandes villes, de la culture…

Il faut nous laisser cette possibilité de « vivre et travailler au pays ». Nous avons droit et le devoir de construire, d’entretenir et de laisser cet héritage à nos enfants.

Jacques ALVAREZ, quelle est votre plus belle réalisation ou votre plus grande réussite ?

Sans aucun doute, la famille que nous avons bâtie avec ma femme et dont je suis très fier. J’ai vraiment besoin de ce cercle familial. J’ai eu la chance de rencontrer une femme qui me comprend, qui accepte de vivre avec « un coup de tramontane » comme on dit ici, ce qui n’est surement pas évident.

D’un point de vue professionnel, je suis fier de ce que je suis devenu, c’est à dire un acteur engagé au service de mon territoire. C’est vraiment comme cela que je me définis. Je n’ai pas osé dire le mot altruiste pendant longtemps mais maintenant j’ose, parce que finalement je me rends compte que c’est la réalité. J’y laisse beaucoup d’énergie mais je ne le regrette pas.

Plusieurs réalisations me viennent en tête mais je ne peux pas dire s’il y en a une qui me plait plus que d’autres. Dans tous les cas, ce sont toujours des réalisations bâties pour durer.

Avez-vous des regrets aujourd’hui ?

C’est une question compliquée. Mon regret est peut-être de ne pas passer assez de temps avec ma famille et mes proches : mes parents, mes sœurs, ma femme, mes enfants… Je culpabilise parfois car je donne énormément de mon temps pour le collectif et parfois pas assez pour eux.

Jacques Alvarez et sa fille, en ski de randonnée

De manière générale, je n’ai pas de regrets. On se construit sur nos erreurs, ou nos réussites. Tout cela nous permet de nous améliorer il parait…

Si vous aviez une liste de 3 vœux pour la montagne, quels seraient-ils ?

Je n’ai pas une liste précise de vœux. Je voudrais simplement que ce soit les gens de la montagne qui décident de leur avenir, parce que je considère qu’il y a de l’intelligence dans la montagne, et beaucoup de bon sens. Il faut écouter celles et ceux qui savent vivre au rythme de la montagne et ne pas vouloir décider à leur place.

Cela serait mon vœux principal.


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