I Love Ski est parti à la rencontre de Thomas Faucheur, Directeur Général de la station d’Avoriaz. De son passage marquant chez les Chasseurs Alpins à sa profonde sensibilité pour les entreprises ancrées en montagne, découvrez le parcours singulier d’un homme qui a forgé son caractère et sa carrière au gré des sommets et des défis humains. Son engagement envers la montagne se mêle à une passion indéfectible pour la nature et à un désir ardent de préserver l’harmonie entre progrès et environnement.

Thomas Faucheur, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

J’ai 51 ans, je suis marié et j’ai 3 enfants. On habite Morzine depuis maintenant presque 10 ans et je travaille à Avoriaz. J’ai un parcours un peu particulier puisque j’ai démarré dans l’Armée. J’ai fait l’école d’officier Saint-Cyr, et j’ai commencé comme officier chez les Chasseurs Alpins à Bourg-Saint-Maurice, puis ensuite à Chamonix. Après une quinzaine d’années en haute-montagne, je me suis réorienté, mais toujours en montagne. J’aimais bien la gestion de projet, le management et le secteur du ski m’intéressait. J’ai donc fait une réorientation professionnelle vers les domaines skiables en 2009. J’ai eu la chance d’être embauché dans le groupe Sofival à l’époque, comme directeur de La Rosière, puis à Avoriaz comme directeur adjoint. Je suis aujourd’hui Directeur de la station d’Avoriaz.

Thomas Faucheur, quelles sont vos passions ?

C’est évidemment la montagne sous l’angle sportif. J’ai été, et je suis encore passionné d’escalade. J’ai passé le diplôme de guide de haute montagne. Dans le cadre de l’Armée, j’ai eu la chance de participer à de nombreuses expéditions à l’étranger pour grimper sur les sommets en Himalaya, en Allemagne, en Antarctique… J’étais le patron d’une équipe sportive pour l’armée d’alpinistes.

Thomas Faucheur en expédition au Kirghizistan

La montagne sportive et l’escalade sont toujours des passions mais elles le sont moins. De manière générale, j’aime beaucoup les espaces naturels. Je suis passionné par la mer et la voile. Je suis assez polyvalent.

Quelles sont vos motivations ? Pourquoi nous levez-vous le matin ?

J’ai de vraies sensibilités et des convictions profondes. Je suis très attaché au concept d’entreprise, qui plus est une entreprise en montagne, ancrée dans un territoire et qui fait vivre une population locale.

Je n’ai pas de cheval de bataille, je ne me lève pas le matin en partant en croisade (rires). Par contre, ce sont des vraies sensibilités. Quel est le sens de l’entreprise ? À quoi ELLE sert, à quoi ON sert ? Et qui plus est, encore une fois, à quoi sert une entreprise comme une station de montagne qui a une vocation particulière ? Nous avons une responsabilité profonde, dans le sens où on nous a donné un droit (encadré) d’aménager ce territoire naturel qu’est la montagne. Nos choix et nos décisions permettent de faire vivre et travailler des personnes.

Thomas Faucheur, quelle est votre plus belle réalisation ou votre plus grande réussite ?

J’ai plusieurs étapes dans ma vie qui ne sont pas du tout les mêmes. Comme beaucoup de gens, il est difficile de hiérarchiser, mais il y a des choses dont je suis très fier. En premier lieu les Chasseurs Alpins, où j’ai vécu des aventures sportives très exigeantes physiquement, mais avant tout des aventures humaines, avec des moments difficiles et parfois très durs. Cette période-là m’a façonné. Elle m’a beaucoup construit, elle me sert tous les jours, mais elle est loin derrière moi.

Thomas Faucheur sur une voie d’escalade

Aujourd’hui, j’ai ma vie professionnelle et ma vie familiale, et c’est cet équilibre que j’essaie de préserver.

Je suis assez content de ce que j’ai fait à La Rosière parce que je suis arrivé dans un métier que je ne connaissais pas. Il s’agissait d’un dossier d’extension du domaine skiable dans lequel je me suis beaucoup investi, notamment dans la partie élaboration du projet et suivi administratif. Je n’ai pas pu aller jusqu’à la concrétisation, mais c’est Jean Regaldo (l’actuel Directeur) qui l’a fait à son arrivée.

J’étais très novice dans le métier et j’ai énormément appris. Quand on voit les projets d’aménagement que l’on fait, ce n’est pas seulement la finalité de l’aménagement, c’est la façon dont on le mène. C’est aussi la façon dont on embarque nos équipes là-dedans. Nous sommes en train de réaliser deux beaux projets sur Avoriaz et je suis assez fier de pouvoir faire intervenir des équipes locales. Ces chantiers nous ont permis de  avons découvrir de petites entreprises locales que nous avons pu intégrer. Nous sommes en train de reconstruire intégralement la gare du téléphérique premier bâtiment de la station qui repart pour une nouvelle vie.

Avez-vous des regrets aujourd’hui ?

Certainement le regret de ne pas avoir fini cette partie d’aménagement sur la station de La Rosière. Mais aussi quelques regrets sur les gouvernances des stations dans lesquelles j’ai pu travailler. Je trouve que nous avons des pépites et que parfois la bêtise humaine ou l’amour propre… influe de manière négative sur la vie dans des organisations. Pour moi, c’est un regret constant.

Si vous aviez une liste de 3 vœux pour la montagne, quels seraient-ils ?

Je vais répondre à la question sans faire de politique. Par rapport à tout ce qui est dit aujourd’hui autour de la montagne, les enjeux de transition, les enjeux de réchauffement (que l’on n’ignore pas), c’est assez dur à vivre pour nous, pour nos collaborateurs et pour tous les acteurs de la montagne.

Station de ski d’Avoriaz

Moi je le prends aussi comme une opportunité car je suis plutôt optimiste de nature. J’y vois l’opportunité d’écrire une nouvelle page de l’histoire de nos montagnes. Et je ne peux pas imaginer, même si on a des exemples aujourd’hui, que cela s’arrêtera. Je trouve cela plutôt triste, et je ne peux pas imaginer que demain toute la montagne va s’éteindre.

Je trouve cela particulièrement motivant de pouvoir écrire l’histoire des 30 prochaines années. Nous allons participer à cette aventure-là. Nous allons sans doute nous tromper, faire des essais et des erreurs.

Évidemment, mon vœu pour la montagne est que l’on arrive intelligemment à la fois individuellement, mais aussi collectivement, à réussir, à écrire les 30 prochaines années de la montagne française qui seront probablement différentes des 30 dernières.

Tout cela est intéressant, stimulant, et plutôt challengeant… même si parfois un peu déprimant aussi…

Où vous voyez-vous dans dix ou quinze ans ? Comment vous projetez-vous ?

Je ne sais pas trop quoi dire. Je suis bien dans ce que je fais et j’ai envie de participer à cette aventure-là. Maintenant, je suis conscient que nous sommes à des postes éjectables. Personnellement, j’ai besoin que les choses avancent, surtout quand on a les moyens et les équipes pour cela.

Si des situations sont bloquées bêtement pour rien, c’est quelque chose qui me découragera. Si je dois buter tout le temps là-dessus, peut-être que je ferai autre chose. J’ai besoin de challenge et je veux que ce soit dans la montagne car je m’y suis beaucoup investi. Maintenant je reste curieux et je ne suis pas fermé. Je pourrais faire autre chose mais cela doit être en phase avec mes valeurs.