Lancé il y a deux ans comme une alternative écologique pour se rendre aux stations de ski, le Travelski Express suspend (provisoirement) son service. Derrière cette décision, se cache une complexité de stratégies commerciales et environnementales. Nous avons rencontré Guillaume de Marcillac, CEO de Travelski qui est revenu sur sa vision, ses défis et sa résilience derrière la décision récente de la SNCF d’interrompre les opérations. Sa perspective éclairée offre une vue d’ensemble sur les enjeux écologiques, économiques et opérationnels qui entourent ce projet.
Le Travelski Express : une initiative née d’une double vision
Le Travelski Express n’est pas seulement un train : c’est un symbole. Alors que le monde cherche des solutions durables aux défis posés par le changement climatique, le secteur du tourisme de montagne n’est pas en reste. Au cœur de cette transformation se trouve le Travelski Express, une initiative audacieuse visant à relier les citadins aux pistes enneigées de manière écoresponsable. Comme le rappelle Guillaume De Marcillac, le service est « bon pour le client et bon pour le climat ». Il rappelle notamment l’importance de « prendre le client français ou étranger par la main, et de lui offrir une expérience « door to door ». Ce service permet d’aller de chez lui jusqu’à l’hôtel, la résidence ou l’appartement en station, skier et le ramener jusque chez lui avec une expérience sans couture ».
Avec cette proposition unique, le Travelski Express permet au client de passer de sa porte d’entrée à sa résidence de ski sans interruption, tout en bénéficiant d’un éventail de services.

Parallèlement à cette expérience client, il répond à une nécessité environnementale majeure : réduire l’empreinte carbone du transport vers les stations, en choisissant un mode de transport à faible émission de gaz à effet de serre.
Des enjeux carbone à l’ordre du jour
Après le COVID-19, la question du bilan carbone des vacances est devenue centrale. Dans le cadre des vacances au ski, le transport représente la première source d’émissions de gaz à effet de serre. Travelski, dans la lignée du déploiement concret de démarches engagées par la Compagnie des Alpes **- dont il est partie intégrante –-et conscient de son rôle en tant que tour opérateur, a mesuré et analysé en profondeur son impact carbone, se concentrant principalement sur les émissions liées aux déplacements de ses clients (scope 3).
Travelski, en collaboration avec le cabinet Carbone 4, a réalisé un travail très approfondi sur le bilan carbone de vacances au ski. « Nous savons (et toutes les études le montrent), que le transport est de très loin le principal contributeur aux émissions de gaz à effet de serre. A partir du moment où on peut proposer un transport qui soit à faible émission de gaz à effet de serre, on agit de façon radicale avec un effet de levier, donc pas à la marge. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas faire des choses aussi à la marge, mais en tout cas avec le transport nous travaillons de façon radicale sur cet impact sur le climat des vacances au ski », explique Guillaume De Marcillac.
En introduisant le Travelski Express, le tour-opérateur n’a pas seulement innové pour ses clients. Il a aussi donné une réponse aux défis climatiques pressants de notre époque.
Un pas en avant pour l’industrie
En 2021, Eurostar voulait se refocaliser sur ses routes historiques et abandonner le train vers les Alpes. À cette époque, Travelski y avait vu une occasion unique que le ressusciter en le faisant « tourner à ses frais », avec une logique d’affrètement.
Cette première expérience avec Eurostar sur le marché britannique en annonçait une nouvelle, cette fois-ci sur la France. En 2022, une initiative similaire voit le jour en France avec la SNCF. Travelski considère que si son offre est pertinente pour le marché anglais, elle l’est également pour les Parisiens et les résidents de la région parisienne.

Cependant, des défis se sont présentés cet hiver 2023/24 : Eurostar a apporté des changements à son organisation, réduisant les rotations et les disponibilités de sièges. Eurostar propose désormais des billets à sa clientèle directe, permettant aux Anglais d’acheter un billet de train séparément sans avoir besoin d’un package complet. Travelski continue de commercialiser ses packages « door to door » en s’appuyant sur un allotement important dans ce train.« Bien évidemment, nous aurions aimé qu’il ait plus de places disponibles et qu’il fonctionne plus de semaines », indique Guillaume de Marcillac.
« Nous avons cependant continué de jouer le jeu, en allant chercher une nuit supplémentaire d’hébergement – car cette rotation se fait par ailleurs sur un schéma inhabituel de 8 nuits.- Une adaptation pour préserver l’expérience client, facilitée par les synergies possibles dans le groupe Compagnie des Alpes».
Travelski Express : entre ambition environnementale et réalités économiques
Les partenariats jouent un rôle crucial dans la réalisation de tels projets. La collaboration avec des entités telles que la SNCF ou Eurostar n’est pas sans difficulté. Chaque partenaire a ses propres contraintes. Si Eurostar a réduit ses rotations et sa capacité, la SNCF, citant un « manque de rames », a rendu impossible le service cette année.
Bien que Guillaume de Marcillac préfère ne pas commenter ces décisions, il réitère sa foi dans le projet et sa vision à long terme : « Pour la partie française, il n’a pas été possible de mettre en place des trains cette année pour des raisons que je n’ai pas à commenter car il s’agit de discussions privées que nous avons entre partenaires. Nous savons très bien que mettre en place ce genre d’initiatives se fait sur le temps long avec des hauts, des bas, des difficultés et des contraintes. Mais en tout cas nous souhaitons ce développement. Personnellement, j’ai toujours un regard très positif et enthousiaste sur le fait que nous allons y arriver et j’en suis convaincu sur le long terme ».
Face à l’arrêt du Travelski Express
Depuis sa mise en service, 12.000 clients ont choisi ce mode de transport éco-responsable. Comment les retenir ? Pour Guillaume de Marcillac, la pédagogie est la clé. « Il faut expliquer l’impact carbone, continuer à communiquer sur les initiatives positives, rassurer et orienter les clients vers des solutions vertueuses, qu’il s’agisse de transport collectif en bus ou de voitures électriques ».

Conscient de l’importance de maintenir un lien fort avec sa clientèle, Travelski envisage déjà la suite. « Nous savons que cet hiver, il n’y aura pas de train qui partira de Paris. La Compagnie des Alpes est une entreprise résiliente, et nous sommes convaincus de l’intérêt de ce projet ferroviaire. Nous ne sommes pas là juste pour faire un coup de communication, cela n’aurait pas de sens parce qu’économiquement ce sont de très gros investissements et des paris importants ».
Face à ces défis, Travelski continue à travailler sur des solutions éco-responsables. A très court terme, Travelski envisage de promouvoir le transport en bus auprès de ses clientèles jeunes, notamment avec l’essor des bus électriques. Elle travaille également sur des solutions pour les véhicules électriques individuels à destination des clientèles individuelles.
Quel avenir pour le transport éco-responsable vers les stations ?
Malgré les obstacles, la vision de Travelski demeure axée sur le long terme. La discussion et les négociations avec les partenaires demeurent ouvertes. Et si le Travelski Express ne roulera pas cet hiver depuis Paris, Guillaume de Marcillac est catégorique : « Nous avançons de façon la plus collective possible. Effectivement, on est déjà projeté sur les années suivantes ».
« L’enjeu numéro 1 de la montagne est de remplacer les voitures à moteur thermique et les avions, qui ont le plus grand impact sur le bilan carbone du tourisme de ski »
Dans un contexte où les enjeux environnementaux prennent une place croissante, le secteur du transport vers les stations de ski est à la croisée des chemins. La « suspension » pour cette saison du Travelski Express est un rappel que la route vers la durabilité est semée d’embûches. Mais comme le souligne Guillaume, face aux défis, il est essentiel de « voir le côté positif des choses plus que toutes les bonnes raisons de ne pas essayer ».
La « suspension » d’une initiative ne signe pas la fin d’un engagement, et le futur pourrait encore réserver des surprises. Avec des initiatives comme le Travelski Express, on peut espérer un futur où le voyage écoresponsable vers les sommets enneigés devient la norme plutôt que l’exception.
**et inscrites désormais dans le référentiel de mise en œuvre de la Raison d’Etre du Groupe.
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