Le changement climatique impose à tous les acteurs de la sphère économique de s’engager pour atteindre les objectifs en vigueur, à l’échelle nationale et internationale : baisser de moitié les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 en France et parvenir à la neutralité carbone en 2050 pour l’Union Européenne.

La décarbonation est un défi collectif dans lequel les acteurs de la montagne ont aussi un rôle à jouer, d’autant que 60% des émissions de CO2 viennent des transports, et de la mobilité.  Le tourisme est donc poussé à se réinventer et à réduire son empreinte tout en s’adaptant au changement climatique.

Premier Bilan des émissions de gaz à effet de serre du tourisme en France et en Occitanie. ®ADEME

Le tourisme dans les Pyrénées, un levier puissant de transition et de décarbonation

Entre 1959 et 2015, les Pyrénées ont enregistré une augmentation des températures de +1,2% et une réduction des précipitations de -2,5% par décennie entre 1959 et 2010 (source : ADEME).

Sur quels leviers les stations de ski pyrénéennes peuvent-elles s’appuyer pour participer à cette ambition ? Comment les mettre en œuvre ? Cette problématique était au cœur des débats de la rencontre des stations pyrénéennes et de leurs partenaires qui a eu lieu le 1er juin dernier à Saint-Lary.

A l’occasion de cette rencontre, Camille Fabre, Directeur régional délégué de l’ADEME Occitanie, est revenu sur les défis de la décarbonation en montagne. Il a notamment présenté la démarche menée par l’ADEME pour accompagner les différents acteurs : «l’Ademe accompagne les acteurs du tourisme dans leur stratégie d’atténuation et d’adaptationgrâce à des méthodes génériques comme le diagnostic Decarbon’actionmais aussi à l’appui de guides sectoriels dont un est dédié à la filière Sport, Montagne et Tourisme ».

La Compagnie des Pyrénées est d’ailleurs lauréate de l’appel à projets national ACT qui vise, pour des entreprises touristiques ayant déjà engagé leur bilan carbone à engager et évaluer un plan global de décarbonation. Arnaud Cercos, qui y est Responsable Qualité Sécurité et Environnement à la Compagnie des Pyrénées s’en fécilite. « Le fait d’être lauréat de cette démarche nationale va être un vrai levier d’accélération pour les stratégies des stations de la Compagnie des Pyrénées ».

Résultats consolidés de la Compagnie des Pyrénées dans le cadre du projet national ACT

L’hydrogène : la nouvelle énergie verte qui peut révolutionner le tourisme de montagne pyrénéen

Parmi les grands enjeux de décarbonation des domaines skiables, les experts identifient principalement les engins de damage, la mobilité longue distance jusqu’à la destination touristique, et la mobilité sur le dernier kilomètre vers l’hébergement ou la station.

Quelle(s) place(s) pour l’Hydrogène dans les domaines de montagne pyrénéens?

Christelle Guillon, Responsable du pôle Mobilité et gaz verts de l’AREC Occitanie, revient sur les analyses menées par l’AREC pour identifier les besoins et opportunités de l’hydrogène : « nous nous sommes intéressés spécifiquement aux domaines de montagne. Après une douzaine d’entretiens avec les domaines de ski et les collectivités, nous avons dressé un premier bilan du contexte énergétique avec deux postes de consommation énergétique majeurs : l’électricité et les carburants.

L’électricité représente environ 6% du chiffre d’affaires. L´électricité nécessaire pour les remontées mécaniques pèse entre 50 et 60% de la facture, alors que la production de neige de culture pèse entre 40 et 50% de la facture.

Quant aux carburants, plus de 90% de la consommation concerne le GNR, le gazole non-routier, de couleur rouge, qui est conçu pour alimenter les moteurs des véhicules non-routiers, comme les dameuses. Ces dameuses représentent donc un fort enjeu de décarbonation car elles sont de grosses consommatrices d’hydrogène. D’un point de vue technologique, on constater un manque de maturité technologique des solutions dédiée, la dameuse à hydrogène étant encore en développement avec une phase d’expérimentation en cours sur l’Alpe d’Huez ».

Selon l’AREC, le rapport de production de l’hydrogène est actuellement de 1 kwatt d’hydrogène pour 7 kwatt énergie mais les perspectives annoncent un rapport meilleur, permettant ainsi d’utiliser ce carburant pour des véhicules suffisamment puissants pour monter les pentes.

« De la même manière, il existe une volonté de capter l’énergie solaire pour produire soi-même l’hydrogène et le stocker afin de l’utiliser l’hiver. Ce système est actuellement en développement et encore assez centralisé.  Pour l’heure, nous travaillons sur les stations de distribution et leur déploiementt sur le territoire», explique Christelle Guillon.

Vers un hydrogène plus vert ?

Actuellement (et malheureusement), l’hydrogène gris est plus important que l’hydrogène vert. L’hydrogène vert et l’hydrogène gris se distinguent principalement par leur mode de production et leur impact environnemental.

« L’hydrogène vert, également appelé hydrogène renouvelable, est produit à partir de sources d’énergie renouvelables telles que l’énergie solaire, éolienne, hydraulique ou biomasse. Il est produit grâce à un processus appelé électrolyse de l’eau, où l’eau est divisée en hydrogène et en oxygène à l’aide d’électricité renouvelable. L’hydrogène vert est considéré comme une solution durable et à faible émission de carbone, car il ne génère pas de gaz à effet de serre lors de sa production », explique Christelle Guillon.

En revanche, l’hydrogène gris est produit à partir de sources d’énergie fossile, principalement du gaz naturel, par un processus appelé reformage à la vapeur. Ce processus génère des émissions de dioxyde de carbone (CO2), ce qui en fait une option moins respectueuse de l’environnement.

Malgré cette situation, Christelle Guillon modère ce constat en expliquant que « l’hydrogène gris est actuellement largement utilisé, mais il est considéré comme une étape transitoire vers des formes d’hydrogène plus durables ».

Station de ski de Peyragudes dans les Hautes-Pyrénées

Cauterets : décélérer pour décarboner

Dans un souci d’optimisation de la consommation énergétique, la station de ski de Cauterets a expérimenté durant l’hiver 2022-2023 une modulation de la baisse de la vitesse de ses remontées mécaniques. Il s’agissait pour elle du levier principal car la neige de culture ne représente que 4% du domaine skiable : « il y avait donc peu d’économie à réaliser sur ce poste-là», précise Dorian Noyer, Directeur Général de la station de Cauterets.

La vitesse a été diminuée, passant de 6 à 4 mètres par seconde sur l’ensemble des remontées mécaniques de la station (1 télécabine et 4 télésièges). Un système de modulation a été mis en place autour des différentes heures de pointe. La vitesse maximale a été maintenue pendant les heures de pointe, et cette dernière a été diminuée lors des heures plus calmes. Lorsque la vitesse a été réduite durant les heures pleines, la station a enregistré une économie de 150 kwatt.

« A l’issue de la saison d’hiver, et suite à cette modulation de la baisse de la vitesse sur les remontées mécaniques, nous avons enregistré une baisse de 50% de la consommation électrique », argumente Dorian Noyer.

Station de ski de Cauterets

La baisse de la vitesse des remontées mécaniques a été mise en œuvre de manière à ne pas compromettre la satisfaction des clients. Des mesures ont été prises pour garantir que le temps de trajet reste raisonnable et que l’expérience globale des utilisateurs demeure agréable. « La sensibilité des clients à l’environnement est importante dans les Pyrénées, et les enquêtes de satisfaction que nous avons menées démontrent que cette modulation de la vitesse n’affecte pas la satisfaction client », explique Dorian Noyer.

De son côté, Delphine Mercadier-Moure, Commissaire de massif, précise que le Plan Avenir Montagne finance des projets 4 saisons avec un effet fédérateur autour des différentes thématiques comme les flux et les nouvelles modalités de transport. Au titre du volet ingénierie de ce plan, 11 chefs de projets animent des dynamiques de transition de l’offre touristique dans le massif en lien étroit avec les stations auprès desquels ils peuvent être une ressource utile.


La décarbonation en montagne est cruciale pour réduire les émissions de GES, préserver les glaciers, protéger la biodiversité et maintenir les ressources en eau. Les acteurs de la montagne pyrénéenne s’organisent et des initiatives se mettent en place pour adopter des pratiques touristiques et des infrastructures plus durables afin d’assurer un avenir durable et préservé pour les montagnes et leurs habitants.

Cette journée du 1er juin était une première étape qui a souligné une envie d’agir partagée sur ces sujets. L’Agence des Pyrénées envisage d’approfondir cette dynamique au travers notamment d’une enquête approfondie sur les pratiques environnementales des stations, qui vient d’être lancée, et d’un travail associant directeurs de stations et chefs de projet avenir montagne pour que les bilans carbone des stations puissent s’élargir à l’échelle des destinations touristiques plus larges dans lesquelles les stations s’insèrent.