Les incendies de forêt sont une préoccupation majeure dans les régions montagneuses, menaçant à la fois l’environnement, les habitations et la sécurité des populations. Dans cette lutte contre les incendies, la neige de culture se révèle être un allié inattendu mais précieux. Au-delà de sa fonction traditionnelle dans le tourisme hivernal, le réseau de neige de culture offre des avantages indéniables dans la prévention des incendies, notamment en fournissant une source d’eau immédiatement disponible.
Pour illustrer ce sujet, direction les Pyrénées-Orientales et Font-Romeu Pyrénées 2000 où un travail conjoint est mené entre la station et le Service Départemental d’Incendie et de Secours.
Jacques Alvarez, Directeur de la station de Font-Romeu Pyrénées 2000 est aussi sapeur-pompier volontaire depuis 29 ans et occupe les fonctions de Chef de Groupe ou Chef de colonne dans le grade de Capitaine. Il est rattaché au centre de secours de Font Romeu mais il lui arrive d’assurer des gardes dans le dispositif opérationnel départemental notamment face à la problématique des feux de forêts.

Le réseau de neige de culture : une réserve d’eau stratégique
Les canons à neige utilisés pour la production de neige de culture sont alimentés par un réseau d’eau spécifique, constitué, selon les installations, de retenues collinaires, de lacs et de cours d’eau. Ces infrastructures créent ainsi une réserve d’eau stratégique pouvant être mobilisée rapidement en cas d’urgence pour lutter contre les incendies. Cette disponibilité immédiate d’eau est d’une importance capitale pour les équipes de lutte contre les incendies, leur permettant de réagir rapidement et efficacement face aux flammes.
Sur la station de Font Romeu Pyrénées 2000, le réseau de neige de culture est adossé au barrage des Bouillouses qui contient environ 18 millions de m3. Le barrage du Lac des Bouillouses fut construit au début du XXe siècle pour réguler le débit de la Têt. Il assure la fourniture d’eau pour la production d’hydroélectricité, l’irrigation dans le département, la production d’eau potable sur Font-Romeu Bolquère et Egat et la production de neige.

Le volume prélevé pour la neige de culture représente environ entre 1 et 3 cm sur la hauteur de barrage qui est haut de 18m lorsqu’il est plein, soit 0,5Mm3 par saison (la station est autorisée à prélever 540.000m3 par saison maximum). “Grâce aux évolutions technologiques (mesure de hauteur de neige embarquée sur les dameuses, cartographie des pistes grâce au LiDAR) nous utilisons en moyenne 430.000m3 sur les 540.000m3 autorisés”, nous explique Jacques Alvarez.
Une accessibilité à l’eau facilitée dans un département à risques
Les systèmes de neige de culture sont généralement équipés de technologies avancées permettant une gestion de plus en plus efficace de l’eau. Des mesures telles que la récupération et la réutilisation de l’eau, la régulation de son débit et la minimisation des pertes contribuent à une utilisation durable des ressources en eau. Cette approche responsable de la gestion de l’eau est essentielle dans les régions montagneuses où l’eau est une ressource précieuse.
“Le département des Pyrénées Orientales est soumis aux risques de feu de forêt surtout sur le pourtour méditerranéen. Il arrive quelquefois que nous rencontrions des feux de montagne qui sont souvent difficiles d’accès, c’est la raison qui nous a amené à réfléchir à ces solutions de raccord hydraulique pour limiter les norias de camions.
En montagne nous subissons aussi des feux d’habitations qui sont quelquefois isolées ou d’établissements d’altitudes situés en station”, nous explique Jacques Alvarez.
Les équipes de lutte contre les incendies et la station de Font Romeu Pyrénées 2000 ont travaillé ensemble pour s’appuyer sur les infrastructures de production de neige de culture existantes afin d’obtenir rapidement les ressources nécessaires à la prévention et à la maîtrise des incendies.
Un raccord hydraulique pour permettre aux pompiers de se connecter au réseau de neige de culture
Jacques Alvarez revient en détail sur le système mis en place sur la station de Font-Romeu Pyrénées 2000 pour faciliter l’accès à l’eau : “nous avons développé aux côtés des services du SDIS66 (Service Départemental d’Incendie et de Secours des Pyrénées Orientales) un raccord hydraulique permettant aux sapeurs-pompiers de connecteur leurs tuyaux à n’importe quel enneigeur de la station. Une procédure fournie aux pompiers leur permet d’ouvrir la vanne d’eau en autonomie afin de pouvoir utiliser notre réseau.
Cela équivaut à leur mettre à disposition de nombreux poteaux incendie répartis dans la montagne.
Un plan ETARE (Établissements Répertoriés) réalisé par le SDIS66 permet à chaque pompier qui intervient de pouvoir utiliser le réseau neige en cas de feu de forêt ou de bâtiment.

Les 12 engins pompes situés en Cerdagne et Capcir sont équipés de ce raccord hydraulique et les pompiers du secteur sont formés à sa mise en œuvre.
Cela évite aux pompiers des norias d’eau dans l’action de lutte contre l’incendie et fait gagner un temps précieux pour limiter la propagation du sinistre.
En période de sècheresse les canalisations d’eau qui sont sous terre sont maintenues sous pression afin de permettre le remplissage de l’équivalent de 400 camions de pompiers sans avoir à démarrer les pompes. Au besoin, le démarrage des pompes d’enneigement permettra d’assurer la permanence de l’eau aux pompiers”.
3 incendies éteints grâce à l’eau des réseaux neige en Cerdagne et Capcir
“De mémoire 3 incendies ont été éteints grâce à l’eau des réseaux neige en Cerdagne et Capcir : le feu dans la forêt de Valcebollère a été éteint grâce aux enneigeurs de la station de ski du Puigmal, le feu de l’hôtel abandonné du col du Puymorens grâce aux enneigeurs de la station de Porté Puymorens et le feu de forêt dans la vallée de la LLadure grâce aux réserves d’eau de la station de Formiguères”, nous explique Jacques Alvarez.
Une utilisation polyvalente de l’eau
Outre son utilisation pour la neige de culture, l’eau stockée dans le réseau de neige de culture (et notamment les retenues collinaires) peut être utilisée de manière polyvalente dans la prévention des incendies. Les réservoirs d’eau peuvent servir à l’irrigation des zones à risque, à l’humidification des sols et de la végétation, ainsi qu’à l’alimentation en eau des équipes de lutte contre les incendies.
Cette utilisation multiple de l’eau contribue à optimiser les ressources disponibles et à renforcer les capacités de prévention et de réponse face aux incendies.
Grâce à son réseau d’infrastructures et à sa gestion durable des ressources en eau, la neige de culture contribue à renforcer les capacités de prévention, de lutte et de réponse face aux incendies.
Une gestion durable de la ressource en eau
En plus de son rôle traditionnel dans le tourisme hivernal, la neige de culture offre de nombreux bienfaits pour la protection des écosystèmes montagnards.
“L’eau utilisée pour la neige de culture est conservée à l’état d’eau puis stockée sous forme de neige durant l’hiver, sans additif. Elle est restituée lors de la fonte des neiges dans les cours d’eau et contribue à alimenter les zones humides de montagne.
Les cours d’eau qui bénéficient de centrales hydroélectriques peuvent turbiner à nouveau cette eau rendue dans le bassin versant », précise Jacques Alvarez.
L’utilisation de la neige de culture renforce l’humidification des sols et la végétation environnante. Cela réduit le potentiel d’embrasement et permet de préserver l’humidité du sol, rendant la propagation des flammes plus difficile.
De plus, la neige réfléchit la lumière solaire, réduisant ainsi l’impact des rayons UV sur la végétation environnante et limitant les risques d’assèchement. La fonte progressive de la neige permet de maintenir un taux d’humidité plus élevé, créant un environnement moins propice à la propagation des incendies. « Le couvert végétal sur les pistes de ski bénéficie d’une alimentation d’eau qui lui permet d’être moins vulnérable à la chaleur et plus résistant en cas de feu de forêt. Les pistes de ski constituent des zones d’appui précieuses pour les sapeurs-pompiers dans lesquelles le feu se propage moins vite et peuvent constituer des points d’arrêts stratégiques pour stopper un incendie de montagne”, conclut Jacques Alvarez.
Enfin, la mise en place d’un système de neige de culture implique une gestion et un suivi réguliers. Cela favorise la présence d’équipes sur le terrain qui peuvent détecter et signaler rapidement tout début d’incendie. Cette présence renforcée contribue à une meilleure sensibilisation à la prévention des incendies et permet une intervention rapide en cas de besoin.
Dans un contexte où les incendies de forêt sont de plus en plus fréquents et intenses, cette utilisation judicieuse de la neige de culture représente un atout précieux pour la préservation des écosystèmes montagnards et la sécurité des communautés locales.
Initialement développée pour les activités touristiques hivernales, elle se révèle être un atout précieux dans la prévention des incendies en montagne. En créant des pares-feux naturels, en humidifiant les sols et la végétation, en modulant le microclimat et en favorisant la sensibilisation à la prévention, la neige de culture contribue à renforcer les capacités de prévention, de lutte et de réponse face aux incendies.
Son utilisation raisonnée et réfléchie peut donc jouer un rôle clé dans la réduction des risques d’incendie et dans la préservation des écosystèmes montagnards, la sécurité des populations et la protection des paysages montagneux que nous chérissons tant.