Une lettre ouverte a été adressée ce jour par Pascale BOYER, Présidente de l’Association Nationale des Elus de la Montagne (ANEM) et Députée des Hautes-Alpes, Jean-Luc BOCH, Président de l’Association Nationale des Maires de Stations de Montagne (ANMSM) et Alex MAULIN, Président de Domaines Skiables de France (DSF), au Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique.

L’immobilier, un enjeu des territoires de montagne

Cette lettre ouverte a été préparée en réponse à une récente intervention de Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, sur la problématique d’attribution du logement.

La lettre met en lumière la complexité de la question et appelle à une réflexion approfondie sur les effets néfastes que des mesures fiscales hâtives pourraient avoir sur les stations de montagne et les régions touristiques en général. Les auteurs soulignent le rôle crucial des locations touristiques dans le développement économique de ces territoires, tout en rappelant l’héritage historique qui a conduit à leur émergence après la Seconde Guerre mondiale.

Hébergement touristique sur la station de ski de Val Cenis

Elle souligne que les locations touristiques font partie d’une politique de développement ayant débuté dans les années 50, contribuant à la relance de l’emploi et à la création de richesse. Ces locations ont permis la construction de logements touristiques, soutenant ainsi le secteur du bâtiment et créant une activité économique importante dans des régions autrement peu développées. De plus, elles ont contribué à stopper l’exode rural et à préserver l’agriculture locale et la biodiversité.

Cette lettre ouverte, fruit d’une collaboration entre les différents acteurs, cherche à éveiller les consciences et à susciter une réflexion éclairée sur les implications de cette décision ministérielle. Elle met en avant l’importance de préserver l’équilibre entre le développement du tourisme et l’accès au logement, tout en soulignant la nécessité d’une approche nuancée et adaptée à chaque territoire.

La lettre mentionne également les efforts des gouvernements successifs pour lutter contre les « lits froids » et encourager les propriétaires de résidences secondaires à mettre leurs biens en location, contribuant ainsi à la vitalité des territoires touristiques. Elle souligne que les propriétaires de résidences secondaires et l’économie touristique ne doivent pas être les victimes d’une réforme hâtive. Un changement de cap risquerait de ne pas rendre ces appartements disponibles à la location pour les résidents et pourrait favoriser un marché noir moins régulé.

La lettre reconnaît que certaines zones urbaines connaissent une augmentation des locations touristiques, mais insiste sur le fait que chaque territoire a des réalités différentes. Il est important de fournir des outils adaptés pour prévenir les investissements abusifs tout en préservant une industrie touristique essentielle qui emploie plus de 2 millions de personnes.

Les auteurs suggèrent peut-être de plafonner certains avantages fiscaux ou de les soumettre à l’appréciation des élus locaux, qui sont mieux placés pour adapter les mesures aux besoins spécifiques de leur territoire. Enfin, la lettre encourage à favoriser la location aux résidents tout en préservant l’attrait touristique de la France en tant que première destination mondiale.

Station de ski de Tignes

Lettre ouverte au Ministre Bruno Le Maire


Monsieur le Ministre,

Nous avons pris connaissance avec beaucoup d’attention de votre intervention sur la problématique de l’attrition du logement.

Il nous apparait donc nécessaire de remettre les choses en perspective sur un sujet plus complexe qu’il n’y paraît, et d’attirer votre attention sur les effets désastreux que des décisions fiscales hâtives pourraient avoir sur certaines régions touristiques, et en particulier sur les stations de montagne.

Les locations touristiques s’inscrivent en effet dans une fiscalité particulière. Ces dispositifs sont le prolongement d’une politique de développement de notre secteur qui a commencé après la seconde guerre mondiale. Cette pépite de croissance, que le Général de Gaulle avait voulue, a permis alors de relancer rapidement l’emploi et la création de richesse tout en surfant sur l’héritage de la création des congés payés.

La France a ainsi fait le choix en son temps d’en appeler à l’épargne des Français pour développer en un temps record une offre structurée et qualitative. Ces particuliers investisseurs ont permis la construction d’un grand nombre de logements touristiques, soutenant par là même le secteur du bâtiment, et créant une activité forte sur des territoires qui ne bénéficiaient souvent pas d’activité artisanale ou industrielle alternative.

Mieux, dans certains territoires, en particulier dans nos territoires montagnards, elle a même stoppé ou évité l’exode rural que la France a connu, permettant ainsi de conserver une part importante de nos agriculteurs grands défenseurs de la biodiversité et de nos produits du terroir.

Depuis des décennies, les gouvernements successifs, le vôtre inclus, ont lutté contre les fameux et désastreux « lits froids », et tenté d’inciter les propriétaires sortis du marché de la location à remettre leur bien en état pour contribuer à la vitalité des territoires touristiques.

Les propriétaires de résidences secondaires ainsi que toute l’économie touristique qui résulte de la fréquentation touristique ne doivent pas être les victimes d’une réforme construite dans la précipitation.

Demain si nous changeons de cap, dans la très grande majorité des cas, cela ne rendra pas ces appartements disponibles pour la location aux résidents. Le propriétaire qui séjourne dans sa résidence secondaire quelques semaines par an,ne louera pas son bien à l’année, si bien que nous risquons de renvoyer ces propriétaires au « marché noir » des locations sans aucun contrôle (notamment via d’autres plateformes de mise en contact moins scrupuleuses).

C’est un fait, certains territoires, principalement urbains, subissent une progression des locations touristiques. Mais la situation de Biarritz n’est pas celle de la Grande Motte, La Plagne n’est pas Les Angles et Annecy ne se confond pas avec Lyon. Il faut fournir à chacun de ces territoires les outils adaptés pour se prémunir de multi-investisseurs lorsqu’ils investissent au détriment du territoire mais il ne faut surtout pas déconstruire la deuxième industrie du pays qui emploie plus de 2 millions de personnes.

Oui Monsieur le Ministre, il faut peut-être plafonner certains avantages ou les soumettre à la sagacité des élus locaux, qui sont les mieux placés pour les adapter aux besoins de leur territoire. Mais la question essentielle est de savoir pourquoi beaucoup parmi ces nouveaux loueurs de tourisme fuient la location annuelle ? Les propos de la Première Ministre faisant le constat de la surtaxation des loueurs d’immeubles nous semblent à cet égard plein de bon sens.

Nous devons pouvoir favoriser la location des résidents qui sont en droit d’attendre un logement tout en préservant la richesse de l’offre touristique existante de notre pays, première destination touristique mondiale.

 

Pascale BOYER, Présidente de l’ANEM et Députée des Hautes-Alpes,

Jean-Luc BOCH, Président de l’ANMSM

Alex MAULIN, Président de DSF


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