Ce jeudi 18 mai 2023, les acteurs de l’industrie de la Péninsule Ibérique s’étaient donné rendez-vous au Musée des Sciences Príncipe Felipe de la Cité des Arts et des Sciences de Valencia pour une conférence sur la digitalisation et l’innovation en station de ski.
La conférence, promue par le cluster ADESTIC, était composée de deux tables rondes, avec la participation des responsables commerciaux des stations de ski espagnoles et andorranes, et des agences de voyage du secteur.
Une digitalisation de plus en plus avancée dans les domaines skiables espagnols et andorrans
Chose n’est pas coutume, les grands acteurs du ski espagnol avaient fait le déplacement pour ce rendez-vous plutôt atypique, en bord de mer, où l’altitude oscille entre 0 et 100 mètres. « Nous avons pu compter sur la présence des meilleures stations de ski de la Péninsule Ibérique qui représentent près de 90% du marché », reconnaît Ignacio Valenzuela, Directeur Marketing de Sierra Nevada.
Une situation partagée par David Ledesma, Directeur Marketing de Grandvalira qui reconnaît « l’intérêt de pouvoir partager les expériences mais aussi les enjeux du futur. La digitalisation nous a fortement aidé pour améliorer l’expérience du client mais nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir ».
La première table ronde a permis aux différents responsables Marketing des stations de Baqueira Beret, Sierra Nevada, Ferrocarils, Aramon pour l’Espagne et Grandvalira pour l’Andorre, d’évoquer les enjeux et opportunités dans un contexte où l’ère numérique bat son plein. Utilisation du forfait de ski depuis son smartphone, gestion et contrôle des bases de données, tarification dynamique… ont été au coeur des débats.

Avec un volume de vente de forfaits en ligne qui pèse 41% (contre 11,4% en billetterie), la station de Sierra Nevada reconnaît la pertinence de la digitalisation et de l’analyse des données. Avec une moyenne de 10 remontées mécaniques empruntées par jour par client, et 4 heures maximum de ski par jour, Ignacio Valenzuela explique de 43% de ses clients sont principalement des débutants, contre 18% qui sont des skieurs de « haut niveau ». Les données recueillies dans le cadre de l’analyse de sa clientèle a permis à la station d’anticiper la création de nouveaux produits et d’optimiser certains de ses investissements.
De son côté, David Ledesma revient sur les avantages de la tarification dynamique et la création d’un algorithme propre à Grandvalira, lui permettant de s’adapter au mieux aux contraintes et spécificités des domaines skiables andorrans.
La digitalisation au service de l’expérience client
Les participants se sont accordés sur l’importance des process de digitalisation aussi bien dans le cadre de l’exploitation des domaines skiables (optimisation de la production de neige de culture, système Snowsat permettant de mesurer les hauteurs de neige sur le domaine…) que dans les fonctions supports. « Le secteur des sports d’hiver est hautement digitalisé, et touche l’ensemble des secteurs de la station : pistes, remontées mécaniques, restauration, location de matériel, service financier, etc. », précise Ignacio Valenzuela, Directeur Marketing de Sierra Nevada.
Disposer de données de plus en plus précises pour prendre les « bonnes » décisions devient incontournable
« La crise du COVID a accéléré la digitalisation de nombreux processus, notamment concernant la vente de forfaits, mais pas seulement. La digitalisation s’est installée dans la restauration et la location de matériel. À Baqueira Beret, nous proposons par exemple un service de « click and collect » pour la restauration, où le client peut directement récupérer sa commande passée sur Internet. De la même manière, nous proposons le Ski Service, un service qui permet de préparer à l’avance les skis après avoir recueilli en ligne la taille, la pointure, le poids et le niveau de ski du client. Notre objectif est de mettre à profit la digitalisation pour améliorer l’expérience client », nous confie Xavi Ubeira, Directeur Marketing de la station de Baqueira Beret.
La digitalisation au service de la réduction des coûts
« Nos stations sont des entreprises avec des charges fixes particulièrement importantes qui représentent près de 70% des charges, avec des coûts variables qui augmentent fortement, et réduisent notre marge. La digitalisation nous permet de progresser en terme de recettes mais nous devons également la mettre à profit pour réduire les coûts d’exploitation, liés notamment à la production de neige de culture, ou le damage. Sur Grandvalira, produire 1 mètre cube de neige est 40% plus cher cette année que la saison dernière. Nous avons la chance d’avoir un hub technologique qui a vu le jour en Andorre avec plusieurs start-ups qui développent des solutions adaptées à nos attentes. Ces innovations nous permettent d’être plus efficaces et efficients dans notre manière de travailler », nous explique David Ledesma.
Digitaliser sans infotoxiquer
Faciliter les processus de réservation, de consommation et d’accès à l’information font partie des priorités des domaines skiables espagnols. Mais
La numérisation des processus a considérablement transformé divers aspects de la vie du skieur, et faciliter les processus de réservation, de consommation et d’accès à l’information font partie des priorités des domaines skiables espagnols.
Toutefois, les stations s’accordent sur le fait que ces processus présentent des limites et des risques potentiels liés à l’abondance des données. Parmi ces limites, on peut souligner :
1. L’accessibilité : Tous les acteurs d’un domaine skiable (et plus généralement d’une station) n’ont pas un accès égal aux technologies numériques, ce qui limite leur participation au processus de numérisation. En fonction des acteurs concernés, la familiarisation avec les données est plus ou moins grande.
2. La complexité : De nombreuses données sont collectées par les stations de ski, en commençant par la réservation du séjour ou du forfait. Sans parler des données de passage aux remontées mécaniques qui sont stockées, analysées et parfois sous-exploitées. Enfin, certains processus, en particulier ceux qui impliquent une prise de décision complexe ou des interactions physiques, peuvent être difficiles à numériser entièrement.
3. Protection de la vie privée et sécurité : La grande quantité de données générées et stockées numériquement suscite des inquiétudes quant à l’accès non autorisé, aux violations de données et à l’utilisation abusive d’informations personnelles.
4. L’essence même de la montagne et du ski : Les visiteurs cherchent à consommer facilement le ski (achat de forfait, réservation en ligne, etc.) mais sans sur-dosage d’informations. Leur motivation première reste le contact avec la nature, la pratique sportive et la déconnexion avec les habitudes de consommation urbaines et intensives. On parle ici de risque d’infoxication, un terme qui fait référence à la surcharge d’informations qui peut entraîner un effet inverse à celui escompté, voire être en incohérence profonde avec les attentes des clients.

« La digitalisation doit être un facilitateur de l’expérience client mais elle ne doit pas en être son essence. L’essence même du ski doit rester la désinfoxication du quotidien, des écrans, de la consommation digitale et permettre de vivre une expérience pure tout en s’oxygénant », nous précise David Ledesma.
Vers une mise en oeuvre efficace de la gestion des données
Pour répondre à cette croissance exponentielle des données, il est essentiel de mettre en œuvre des stratégies efficaces de gestion des données, de donner la priorité aux mesures de protection de la vie privée et de sécurité, d’assurer un accès équitable aux technologies numériques et de développer des compétences de pensée critique pour naviguer efficacement dans l’abondance d’informations.
« La digitalisation peut nous aider à améliorer l’expérience client, et nous devons poursuivre nos benchmarks avec les autres secteurs touristiques en nous inspirant par exemple de la vente de billets de train, d’avion… Le forfait sur le smartphone doit nous permettre de supprimer les points de frictions dans le parcours client. Notre second objectif est de pouvoir identifier de manière très précise nos clients en fonction de ses goûts, ses attentes, bien au delà de la pratique du ski. Cela va nous permettre d’être plus efficaces en terme de communication et de messages adressé à chaque client », conclut David Ledesma.