I Love Ski a rencontré François GAILLARD, Directeur de France Montagnes, structure qui assure la promotion de la montagne française hiver comme été. 10 mois après son arrivée, il nous dévoile son parcours, ses passions et sa vision de la montagne d’aujourd’hui et de demain.
François GAILLARD, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
J’ai 46 ans, je suis né en Savoie et j’y ai grandi. Après le bac, j’ai choisi de me spécialiser dans le tourisme, d’abord avec un deug d’anglais obtenu à l’Université de Savoie puis en Suisse à l’Ecole Hôtelière de Lausanne, pour suivre des études supérieures de management hôtelier. Je suis ensuite retourné à l’université pour obtenir un master en marketing du tourisme. J’ai habité un an en Hongrie pour rédiger un mémoire sur les processus de privatisation hôteliers en Europe Centrale. J’ai alors réalisé que ce qui m’intéressait ce n’était finalement pas d’appréhender le marketing d’un seul établissement, mais de toute une destination, pour aborder des enjeux globaux de territoire, et trouver des clés pour faire bouger tout un écosystème dans le bon sens.

J’ai donc grandi dans un environnement ultra touristique, la Savoie, un territoire où nos grands-parents ont pu continuer à développer des projets de vie grâce à l’industrie du ski. Nos familles ont pu rester dans ces vallées parce que, directement ou indirectement, beaucoup de gens vivaient grâce au tourisme… C’était donc une évidence de faire du tourisme ma vie. Diplômé en 2000, j’ai commencé immédiatement ma carrière dans les stations de sports d’hiver. J’ai débuté à 24 ans comme directeur de l’une des plus petites stations de ski alpin de France : Savoie Grand Revard, mais qui était aussi le premier domaine national de ski nordique… Pendant 2 ans j’ai été directeur des domaines skiables et de l’office de tourisme. Puis, au moment où La Plagne, Les Arcs et Peisey-Vallandry se rapprochaient pour travailler à la création de Paradiski, (qui est devenu à l’époque le 3ème plus gros domaine interconnecté de France), j’ai eu l’opportunité de prendre la direction de l’office de tourisme de la Grande Plagne. La collaboration sur la création de Paradiski a été vraiment intéressante. Faire travailler sur une même stratégie marketing plusieurs stations, dont deux très grosses qui étaient alors concurrentes depuis près de 40 ans, fut ma première véritable expérience de création d’une marque pour un territoire.

J’ai ensuite été embauché à la tête de l’office de tourisme de la métropole de Lyon au moment où ils avaient de grosses ambitions en termes de développement touristique. J’ai pu contribuer à ce qu’étaient alors les prémices de marketing territorial. Gérard Collomb (Président de la Métropole de Lyon puis Ministre de l’Intérieur) avait compris très tôt que s’il voulait positionner sa ville dans le top 15 européen en termes d’attractivité, celle-ci devait aussi être dans le top 15 touristique. Tout simplement parce que, pour attirer des talents, des entreprises, des familles, des étudiants… il faut d’abord proposer des projets de vie. Pour faire plus simple, on n’envisage pas de s’installer sur un territoire sur lequel on n’envisage pas de passer ne serait-ce qu’un week-end !…
Il fallait que la ville soit attractive touristiquement, qu’elle soit « mise en charme » pour pouvoir atteindre ces objectifs. Nous avons donc pendant plusieurs années imaginé une véritable destination touristique quasiment from scratch, généré du désir, en cassant les idées reçues. Nous y sommes arrivés en créant notamment la marque ONLYLYON en 2007, qui est l’une des plus grandes réussites de city branding en Europe avec Amsterdam. Je suis resté Directeur d’ONLYLYON Tourisme pendant 17 ans. Je pensais rester 5 ans, mais cela s’est transformé finalement en une véritable épopée ! Il y avait tellement à faire, tout à faire, c’était vraiment exaltant.

Et puis il y a 5 ans Charlie et Tom sont arrivés. J’avais très envie qu’ils puissent tous deux vivre, en grandissant, ce que j’avais vécu enfant : une vie entre lacs et montagnes, au grand air. C’est alors que j’ai eu vent d’une opportunité à France Montagnes avec le départ à la retraite de Jean-Marc Silva. J’ai considéré cette offre avec attention en me disant « tiens, c’est peut-être un signal pour moi » à la fois professionnellement, car j’avais très envie de travailler sur de nouveaux challenges et personnellement, parce que c’est également un beau projet de vie familial. Bref, je suis désormais heureux de faire partie de la « happy team » de France Montagnes.
François Gaillard, quelles sont vos passions ?
Je m’intéresse à beaucoup de choses, à trop de choses ! Je suis curieux et j’aime apprendre. J’adore la nature, la musique, la moto, le sport, bricoler. J’aime découvrir de nouvelles choses, mais je suis aussi assez zappeur. J’ai quand même des centres d’intérêt qui ne changent pas depuis des années : la musique et la moto notamment, toutes les activités outdoor, même si depuis 5 ans, pour être très honnête, nous avons souvent dû mettre nos loisirs de côté pour nous occuper de Charlie et Tom !

J’essaye d’être un papa présent, c’est important pour moi. Maintenant que mes enfants sont en âge de faire plus de choses, nous reprenons petit à petit une activité physique. J’aime les sports de contact comme le rugby, la boxe, ou le MMA. Adolescent, au moment où le snowboard est arrivé en France, je devais avoir 14 ans, cela m’a rendu complètement dingue (rires). Pendant un long moment, je n’ai pensé qu’à ça, au grand dam de mes parents, qui s’inquiétaient pour mes études et la voie que je pourrai trouver. C’était en tous cas une vraie passion, et ça l’est toujours aujourd’hui, même si je reprends de plus en plus goût au ski. Bref, c’est surtout le temps qui me manque !

Quelles sont vos motivations ? Pourquoi nous levez-vous le matin ?
Au niveau personnel, c’est être là pour mon épouse et mes enfants et faire en sorte qu’ils s’épanouissent et ne manquent jamais de rien. Que je puisse faire tout ce qui est en mon pouvoir pour qu’ils soient bien dans leurs baskets.
Au niveau professionnel, je pense à 3 choses. La première, faire bouger une situation d’un point A à un point B. Par exemple si le CA de France Montagnes me présente une situation, et me dit « nous aimerions arriver là dans 5 ans. » Mon plaisir sera dans 5 ans, de regarder le travail accompli, et de voir comment la situation a évolué. En tant que manager, c’est mon premier objectif.
Le second objectif, quasiment aussi important, est d’être là pour mes collaborateurs et de les faire progresser. C’est fondamental pour moi, et on revient à cette notion de point A à un point B. En quoi leur suis-je utile ? Ont-ils le sentiment de grandir, de progresser à mes côtés ? Comment puis-je les accompagner dans leur carrière, et, quand je m’en irai, se diront-ils « c’était bien cette période avec François parce que j’ai eu le sentiment d’être écouté et de grandir. »

Le troisième point qui est important pour moi est de faire travailler les gens ensemble. Nous avons une cause commune (nationale pour France Montagnes) et il faut réussir, au-delà des clivages économiques, politiques, idéologiques parfois, à faire avancer les parties prenantes, main dans la main, vers un objectif commun.
François Gaillard, quelles sont votre plus belle réalisation ou votre plus grande réussite ?
Au niveau personnel, sans hésiter, c’est ma famille. Sans eux, je ne suis rien ! C’est grâce à eux que je peux avancer. Ils sont ma plus grande fierté.
Côté professionnel, j’espère avoir acquis, au fil des années, le respect de la fillière dans laquelle j’évolue. Si j’ai juste cela, c’est déjà une très jolie source de satisfaction. Je suis aussi très fier de ce que nous avons réalisé avec mon équipe à Lyon. Nous avons adopté la bonne stratégie face à des objectifs qui semblaient très (trop ?) ambitieux… Nous sommes partis vraiment de zéro ou presque ! Il y a 15 ans, peu de personnes envisageaient d’aller passer un week-end à Lyon, soyons très clairs. Aujourd’hui, se dire que c’est une destination qui est considérée par une clientèle internationale, au même titre que Paris, Pragues ou Barcelone, c’est une vraie fierté.

Pour revenir sur un temps plus récent, je dis souvent que je suis un enfant de « La montagne ça vous gagne ». Pouvoir faire revivre ce slogan, en tant que marketeur, c’était un rêve de gosse. Nous pouvons mesurer chaque jour l’engouement et le lien affectif qui lie le public à ce claim. Même chez les personnes qui n’y avaient pas été confrontées à l’époque ! Aujourd’hui je suis très heureux et très fier de participer à ce revival. Nous souhaitons en faire un bloc marque à part entière, avec l’ambition de le faire vivre sur un temps long. Ce projet est une autre fierté pour moi.
Avez-vous des regrets aujourd’hui ?
(Il réfléchit longuement) Non. Désolé si la réponse est courte, mais de tout ce que j’ai vécu, tout ce que j’ai fait, j’ai beau avoir commis beaucoup d’erreurs, je ne regrette rien. On en fait tous ! C’est comme cela que l’on apprend et que l’on devient meilleur. C’est ça la vie… Ceux qui font beaucoup d’erreurs sont, à terme, plus performants que ceux qui n’en font pas parce qu’ils ne prennent aucun risque. J’ai toujours l’envie de me perfectionner, d’essayer de donner le meilleur de moi-même. Mon objectif quotidien, c’est d’être la meilleure version de moi-même. C’est pour cela que je n’ai pas de regrets. Si je devais recommencer, cette philosophie de prise de risque resterait la même.

Si vous aviez une liste de 3 vœux pour la montagne, quels seraient-ils ?
Même un peu fous ? (rires). Je vais quand même rester un minimum réaliste. Au regard des problèmes auxquels notre planète fait face aujourd’hui, je souhaite une montagne toujours plus vertueuse, toujours plus consciente des enjeux environnementaux, sociaux, économiques auxquels elle doit faire face, mais, surtout, dans l’action. Je suis très optimiste, car nous sommes à 100% dans cette dynamique. Depuis 60 ans, la montagne n’a cessé de faire face à des challenges, de s’adapter au monde qui évolue autour d’elle. Elle a toujours été au rendez-vous, et elle continuera donc de l’être. Mon souhait est que cela continue.
Mon deuxième vœux, qui est aussi celui de France Montagnes, c’est une montagne toujours plus inclusive. Quand on me questionne sur les ambitions de France Montagnes, je parle souvent de « démystifier la montagne ». C’est un sujet qui est vieux comme la création des stations de sports d’hiver ! Il est pour moi prioritaire de casser les idées reçues, d’expliquer que la montagne est pour tous. Quel que soit l’endroit où vous vous trouvez en France (ou même en Europe), il y a un massif près de chez vous. Quels que soient votre envie, votre budget, votre niveau de pratique, vous trouverez une station qui vous correspond. La montagne est plurielle. Il y en a pour tous les goûts : 250 stations en France et 250 offres différentes. Il faut continuer à le crier haut et fort. Je souhaite l’inclusivité, une montagne qui ouvre grand les bras. Les bienfaits de la montagne doivent profiter au plus grand monde.
Mon troisième vœu est « tout simplement » que la neige tombe encore le plus longtemps possible. Ce n’est pas si irréaliste que cela, car on voit que les saisons se suivent et ne se ressemblent pas. On sait que le climat est profondément perturbé, et nous en constatons tous les jours les conséquences sur nos territoires. Mais n’oublions pas que le ski et les bienfaits procuré par la glisse restent le fondement du développement de nos stations. Je souhaiterais donc que mes enfants, mes petits-enfants et mes arrière-petits-enfants puissent eux aussi continuer à ressentir ces moments grisants sur des skis. J’ai une nature optimiste. Je crois profondément en l’être humain et en sa capacité à innover, y compris pour préserver la planète.
Où vous voyez-vous dans dix ou quinze ans ? Comment vous projetez-vous ?
François Gaillard : Dans 15 ans… J’aimerais être un papa de 60 ans avec son épouse et ses deux enfants de 20 ans à ses côtés. J’aimerais qu’ils aient la possibilité de parcourir ce monde avec nous. J’ai eu la chance de faire plusieurs fois le tour de notre planète grâce à mon métier. Je trouverais injuste de dire à mes enfants « papa est allé en Chine, au Japon, en Russie… il a découvert toutes ces cultures qui font la richesse de l’Humanité. Mais vous, vous n’allez pas pouvoir le faire, parce que ça ne serait pas vertueux, et que des gens comme papa ont déjà trop profité par le passé ». Je souhaite donc, et je vais œuvrer dans ce sens, que l’être humain puisse continuer à voyager pendant longtemps. Parce que la raison d’être de l’homme est d’aller à la rencontre de son prochain, c’est d’échanger, de comprendre.
Si je pouvais regarder dans une longue vue pour me voir dans 15 ans, j’aimerais me découvrir dans un fjord, par exemple à Ísafjörður dans le nord de l’Islande, avec mes deux enfants et mon épouse. Je nous verrais dans une barque en train de pêcher. Et là, je me dirais « C’est bon, on a réussi, tout s’est bien passé… ». Ah, et je vois aussi encore beaucoup de neige dans ce paysage !…