« On ne peut pas rester comme avant », tel est le défi que s’est lancé Dominique Thillaud, depuis son arrivée en juin 2021 à la tête de la Compagnie des Alpes, l’un des plus grands acteurs mondiaux de la montagne.

Dans la lignée de l’Accord de Paris (2015), définissant un cadre mondial pour éviter les effets dangereux du changement climatique, le groupe accélère sa trajectoire Net Zéro Carbone. Une démarche qui passe notamment par la réduction d’émissions de Co2 et une séquestration carbone à l’échelle locale.

La Compagnie des Alpes, pionnière de la montagne française

Selon le rapport du GIEC, limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C signifie que les organisations et les pays devraient atteindre zéro émission nette de CO2 d’ici 2050.
Depuis de nombreuses années, les acteurs de la montagne française oeuvrent naturellement à la préservation de leurs espaces naturels qui sont (a t’on encore besoin de le rappeler ?) leur principal point d’attractivité. Les Domaines Skiables de France ont annoncé une neutralité Carbone d’ici 2037 avec la mise en place d’une liste d´éco-engagements.
Le Groupe La Compagnie des Alpes (CDA) s’est quant à lui fixé pour objectif l’atteinte du Net Zéro Carbone (NZC) à horizon 2026 sur ses domaines skiables.

Le groupe CDA gère aujourd’hui de nombreux domaines skiables dans les Alpes françaises (La Plagne, Les Arcs, Tignes, Val d’Isère, Méribel, Les Ménuires, Serre Chevalier, Grand Massif…). Le Groupe détient également des participations dans les domaines de Megève, Chamonix-Mont-Blanc, Avoriaz, la Rosière et Valmorel.

Dominique Thillaud, CEO de La Compagnie des Alpes

Dominique Thillaud, CEO de la Compagnie des Alpes est convaincu qu’il est possible de réconcilier la logique économique et la logique environnementale. Il revient sur la genèse de leur Trajectoire Net Zéro Carbone: « Nous essayons de montrer que c’est possible de le faire, de manière rentable et avec la technologie actuelle. Certains considèrent peut-être que nous sommes un exemple mais nous n’avons pas la prétention d’avoir le modèle parfait. Nous nous sommes engagés parce que c’est aussi un souhait de l’ensemble des salariés, et des parties prenantes du groupe. Nous évoluons dans des espaces naturels, et nos activités se pratiquent dans ces espaces naturels. Nous ne pouvons pas rester comme avant, il est urgent d’agir”.

Trajectoire Net Zéro Carbone : de quoi parle t’on exactement ?

Lorsque l’on évoque le concept du « net zéro » pour un groupe comme la Compagnie des Alpes, cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas ou plus d’émissions. La trajectoire Net Zéro Carbone consiste à supprimer autant d’émissions que le groupe en a émises. À ce jour, ni la technologie ni les nombreuses forêts ne peuvent compenser toutes les émissions dans l’atmosphère. C’est pourquoi, les experts s’accordent à dire qu’il il est essentiel de réduire les émissions conformément à la trajectoire de 1,5° (Accord de Paris) et d’investir dans le développement de nouvelles technologies.

Une analyse des émissions en fonction de 3 scopes

La Trajectoire Zéro Carbone nécessite la mise en place d’étapes préparatoires essentielles. Elle passe d’abord la mesure des impacts environnementaux et la compréhension des sources d’émission dans le cadre d’une analyse complète.

Le GHG Protocol est la norme de comptabilisation des gaz à effet de serre la plus largement utilisée et reconnue au niveau international. Elle divise les émissions en trois scopes.

• Scope 1: Le scope 1 concerne tous les gaz à effet de serre émis directement par l’entreprise (damage, chauffage des locaux, émissions directes liées à la combustion de carburant sur le site ou à la flotte de véhicule…)
• Scope 2: Émissions indirectes causées par l’achat d’énergie par l’entreprise lors du processus de production. Cette énergie se présente généralement sous la forme d’électricité, de chaleur ou de vapeur;
• Scope 3: Émissions indirectes provenant d’activités extérieures à l’entreprise (fournisseurs, achat de marchandise, de services…)

Dans la pratique, les émissions du scope 3 sont généralement beaucoup plus importantes que celles des scopes 1 et 2. Cependant, ces émissions sont plus compliquées à mesurer. Lorsqu’elle contribue à la neutralité globale ou au net zero émission, une entreprise doit préciser les scopes qu’elle prend en compte afin de garantir une transparence totale. Lorsqu’elle discute d’une stratégie de zéro émission nette, les trois scopes d’émissions doivent être abordés.

Abandon des énergies fossiles pour le damage des pistes dès la saison 2022/2023

L’ensemble des stations de la CDA passera au biocarburant de synthèse HVO (huile végétale hydrotraitée produite à base de déchets) pour l’ensemble de son parc de dameuses dans les domaines skiables. D’origine 100% renouvelable et fabriqué à partir de déchets de graisses et d’huiles végétales usagées, ce carburant est sans huile de palme, et compatible avec les appareils de l’ensemble des constructeurs partenaires du Groupe.

“Dès cet hiver, nous allons nous passer totalement de diesel pour les dameuses. Y compris sur certaines stations où la Régie des pistes est municipale et où nous n’avons pas la maîtrise. Sur ces sites, nous prenons à notre charge l’écart de prix entre le biocarburant de synthèse et le diesel pour être sûr qu’il n’y ait plus une seule goutte de diesel”, précise Dominique Thillaud.
Ce substitut au diesel réduit de 90% les emissions de CO2 et de 65% les particules fines émises.

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Damage sur les pistes de ski

Isolation et sobriété énergétique pour les bâtiments

En montagne, la mauvaise isolation des bâtiments est une importante source de déperdition de chaleur mais aussi d’énergie. « Nous allons re-isoler nos bâtiments et remplacer des chaudières pour ne plus avoir recours à des énergies fossiles. C’est un point essentiel car il s’agit d’une grosse source d’émission de CO2. Sur le fonctionnement des appareils, nous allons encore être très engagés sur la sobriété énergétique. Cela va nous permettre de passer de 1300g l’année dernière à 300-400g par jour cet hiver », nous indique Dominique Thillaud.

Des dameuses électriques « Made in Alpes »

C’était en avril 2022. La toute première dameuse électrique « Made in Alpes » venait d’être présentée au salon international Mountain Planet 2022. Cette innovation 100% française a été développée par CM DUPON, une entreprise familiale iséroise et seul fabricant français de dameuses, en partenariat avec la Compagnie des Alpes.

Le groupe a apporté son soutien R&D (Recherche et Développement) à l’entreprise iséroise pour passer progressivement à la solution électrique et accélérer sa trajectoire Net Zéro Carbone.

Des navettes électriques à Val d’Isère et Tignes

Dans le cadre de la démarche « mobilité douce » initiée par les collectivités, la Compagnie des Alpes a testé l’hiver dernier des bus électriques sur les stations de Val d’Isère et Tignes. Dominique Thillaud revient sur cette phase de test concluante : “nous avons testé les navettes électriques la saison dernière. C’est tout à fait adapté à la typologie électrique. Petit à petit, nous allons remplacer les bus thermiques par des navettes électriques”.

Trajectoire Net Zéro Carbone : l’enjeu des émissions liées au scope 3

Dans la pratique, les émissions du scope 3 sont généralement beaucoup plus importantes que celles des scopes 1 et 2. Cependant, ces émissions sont plus compliquées à mesurer. Lorsqu’elle contribue à la neutralité globale ou au net zero émission, une entreprise doit préciser les scopes qu’elle prend en compte afin de garantir une transparence totale. Lorsqu’elle discute d’une stratégie de zéro émission nette, les trois scopes d’émissions doivent être abordés.

« J’ai coutume de dire que le scope 3 c’est votre scopeP 1 & 2 ! Cela veut dire que tout le monde doit s’engager. En revanche sur le scope 3, nous pouvons faire des choses », précise Dominique Thillaud.
La Compagnie des Alpes contribuera au scope 3 via des initiatives propres. Le rétablissement du service ferroviaire entre Londres et Bourg Saint Maurice via le Travelski Express en fait partie. Il représente l’équivalent de 180 vols évités.
Un service ferroviaire entre Paris et les Alpes françaises sera également commercialisé cet hiver via Travelski pour faciliter l’accès au ski en train.

Travelski-Express-Vacances-au-ski

« Nous avons également instauré des clauses pour nos achats d’investissements, de charges opérationnelles, c’est-à-dire donner une forme de préférence aux fournisseurs qui sont eux-mêmes engagés dans une trajectoire de réductions qui sont conformes aux accords de Paris ».

Une réduction d’émissions de Co2 et une séquestration carbone à l’échelle locale

Dans le cadre d’une Trajectoire Zéro Carbone, les organisations doivent comprendre d’où proviennent leurs différentes sources d’émissions, en particulier les plus émissives. Leur stratégie globale de décarbonisation peut combiner plusieurs étapes :

– L’élimination des sources d’émissions de CO2 dans l’ensemble de la chaîne de valeur (scopes 1, 2 et 3). Concrètement, il s’agit de réduire ou d’éliminer les sources d’émissions de CO2 associées aux activités et à la chaîne de valeur de l’entreprise jusqu’à ce qu’elle atteigne un niveau cohérent d’émissions résiduelles.

– La neutralisation. Cette dernière fait référence à l’élimination et au stockage permanent du carbone atmosphérique pour contrebalancer l’effet de la libération de CO2 dans l’atmosphère.

– La compensation, ou contribution, peut être utilisée pour adresser les émissions résiduelles afin de contribuer à l’objectif global de zéro émission nette. Ces contributions soutiennent des projets de réduction des émissions grâce à l’achat de crédits carbone sur le marché volontaire du carbone.

Compagnie des Alpes : réduction et séquestration locale

Aujourd’hui, la Compagnie des Alpes annonce que l’atteinte de l’objectif « Net Zéro Carbone » (scope 1 et 2) se fera :
➢ à hauteur d’au minimum 80%, par la réduction des émissions des sites
➢ et d’au maximum 20%, par la séquestration locale des émissions résiduelles. L’objectif intermédiaire des 50% de réduction, par rapport à l’exercice de référence 2018/19, est prévu dès 2025.

Lorsque l’on évoque la compensation (achat de crédits carbone), la position de Dominique Thillaud est très claire : « la compensation est quelque chose d’interdit chez nous. Au Moyen Âge, on appelait cela des Indulgences. Nous ne sommes pas du tout dans cette optique-là. Nous avons défini un seuil pour être éligible à la séquestration. Il faut au moins réduire de 80% les émissions des sites, c’est un élément clé pour nous. Certains seront assez au delà des 80% d’autres le seront juste. Le solde sera séquestré grâce à un accord que nous avons passé avec l’Office National des Forêts, et qui est le plus gros accord qui n’ai jamais été signé en France ».

Le Groupe s’est rapproché de l’ONF pour établir un partenariat sur 10 ans pour séquestrer ses émissions résiduelles au plus près de ses sites d’implantation. La CDA financera ainsi dès cette année 50 hectares de reboisement en forêts domaniales de Savoie, Haute-Savoie et Hautes-Alpes, au plus proche de ses domaines skiables. Dans tous les cas, il s’agit de reboisements de forêts en mauvais état ne jouant plus leur rôle de séquestration de carbone.

Signature de l’accord de collaboration entre l’ONF et la Compagnie des Alpes. Mountain Planet 2022

« Nous allons reboiser des parcelles à l’endroit exact de nos émissions résiduelles de CO2. À titre d’exemple, l’hiver prochain nous espérons les 300 grammes de Co2 par journée. Nous allons descendre à 45g d’ici 2026. Et ces 45 derniers grammes seront séquestrés localement” précise Dominique Thillaud.

Une monnaie climatique pour les résultats de la Compagnie des Alpes : les euros et les grammes de CO2

Le Plan Moyen Terme du Groupe La Compagnie des Alpes, soumis à son Conseil d’Administration le mois dernier, intègre désormais deux dimensions : une monnaie en euros ET une monnaie climatique en teqCO2, sur ses scopes 1 et 2.
Pour simplifier les calculs, on parle donc en tonne équivalent CO2 : 1 TeqCO2 représente un ensemble de gaz à effet de serre ayant le même effet sur le climat qu’une tonne de dioxyde de carbone.

La Compagnie des Alpes adopte la monnaie climatique

« Nous travaillons en deux monnaies. Le programme moyen terme est évoqué à la fois en euros et en grammes de CO2. L’un ne peut plus aller sans l’autre. En tant qu’entreprise cotée en bourse, nous communiquerons sur nos résultats en euros, mais nous communiquerons aussi sur les résultats en grammes de CO2 ».
Le Groupe s’engage à ce que les résultats intermédiaires vers l’atteinte de cet objectif soient rendus publics annuellement, à comparer à la trajectoire issue des courbes rendues publiques le 20 octobre dernier.

« Nous allons publier les avancées de cette trajectoire sur internet afin que tout le monde puisse vérifier où nous en sommes de l’exécution, de la réalisation de ces gains et réductions de CO2. Tout le monde travaille en ayant en tête ces deux monnaies. Par ailleurs, cela est décliné site par site et chacun a sa feuille de route pour parvenir ou dépasser les 80% de réduction des émissions. Nous avons mis en place les investissements nécessaires pour atteindre cet objectif. Chaque site sait donc ce qu’il a à faire ».

Val d'Isère
Station de Val d’Isère. Vue aérienne de la vallée

L’eau, la biodiversité et la gestion du Zéro Déchet : des urgences climatiques

La Compagnie des Alpes annonce que d’autres engagements et initiatives seront rendus publics prochainement et devraient contribuer à l’accélération de la trajectoire Zéro carbone du groupe.
« Les autres urgences pour nous sont la gestion de l’eau, la biodiversité et la gestion du Zéro déchet. Nous ne sommes pas encore prêts pour parler de ces trois thèmes, Nous en parlerons lorsque nous serons sûrs et que nous aurons la preuve que nous pouvons atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Il y une vraie urgence sur tous ces thèmes. Il nous faut des résultats et des preuves, et pas seulement des promesses. Nous travaillons là-dessus avec des propositions innovantes que nous communiquerons au deuxième trimestre 2023”, conclut Dominique Thillaud.

À ce jour, la Compagnie des Alpes est signataire de l’appel des grandes entreprises aux dirigeants du monde, leur demandant d’imposer aux entreprises l’obligation d’évaluer et rendre public leur impact sur la biodiversité et leur dépendance vis à vis d’elle.
Cette lettre ouverte, publiée par la coalition Business for Nature en amont de la COP 15 sur la biodiversité a été co-signée par plus de 330 entreprises du monde entier représentant un chiffre d’affaires cumulé de plus de 1.500 milliards de dollars.