I Love Ski est parti à la rencontre de Laurent Garcia, Directeur Général de la station de ski de Peyragudes dans les Pyrénées. Avec un parcours professionnel très riche, bien au delà des frontières de l’hexagone, il nous confie ses passions et son engagement dans le monde touristique actuel.

Laurent Garcia, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Laurent Garcia – J’ai 3 enfants et vis entre Toulouse et les Pyrénées depuis 13 ans. Mon arrivée dans les Pyrénées est le prolongement d’un parcours de la montagne que j’ai initié depuis longtemps. Je suis originaire de Lyon, j’ai appris le ski grâce aux sorties d’école et pratiqué depuis très jeune la randonnée en famille.

J’ai un engouement certain pour le sport en général, la montagne et la mer.

J’ai cherché à m’orienter vers des métiers de sportifs car la pratique du sport, dans de nombreuses disciplines pendant des années m’a permis de me construire. Et à un moment donné, alors que j’étais étudiant en 1ère année de médecine, je me suis dis: « pourquoi ne pas travailler de mes passions : la montagne et la mer ? »

Je me suis mis en quête de préparer un monitorat de ski alpin et en parallèle, j’ai préparé un brevet d’état de voile et même l’accompagnateur en moyenne montagne. Le tout au prix de pas mal d’efforts car je ne suis pas un enfant de la montagne ni un compétiteur formé dès le plus jeune âge. Mais de par mes qualités physiques et ma formation générale, j’ai pu acquérir ces diplômes qui m’ont ouvert la porte de métiers intéressants dans le secteur du sport loisir d’abord puis du tourisme.

Laurent Garcia dans la vallée du Louron

J’ai donc quitté la fac pour rejoindre le Lycée professionnel de Thônes qui m’a permis de la passer le premier cap de formation et d’entrer dans la profession. J’ai travaillé comme indépendant une douzaine d’années en tant que moniteur de ski en ESF dans les Alpes (La Plagne, les Arcs, Pra Loup, Serre-Chevalier).. En parallèle, fort d’un BEES 1° de voile j’avais créé une société de gestion d’activités nautiques, planche à voile et catamaran de sport, mes débuts dans l’auto-entreprenariat.

L’IFMT de Grenoble m’a donné l’opportunité d’une première étape de ma reconversion que j’ai attaqué un petit peu tôt suite à un accident de ski. Cette formation avait été conçue 3 ans auparavant, à la fin des années 80, pour former de futurs managers de la montagne et du tourisme. Nous sommes plusieurs issus de cette formation à exercer encore aujourd’hui des responsabilités dans différents domaines d’activité en montagne et en station. Peu d’entre nous ont été amenés je crois à diriger une société d’exploitation de remontées mécaniques. Mais cette formation m’a permis de faire ce que je souhaitais le plus à l’époque, c’est à dire travailler dans le marketing et la commercialisation du tourisme à l’international.

Avec ce diplôme en poche, je suis parti tout d’abord un an aux Antilles pour Sport Away Voyages puis j’ai été recruté comme Directeur Pays pour la filiale UCPA Internationale en Grèce où j’ai développé plusieurs activités de mer et de montagne: planche à voile, funboard, catamaran léger, croisières en Mer Egée mais aussi des produits de moyenne montagne, la rando, le cyclo, le VTT. J’avais en charge aussi toute l’activité réceptive, hébergements, transferts et la gestion des équipes sur les différents sites. Au rythme d’un nouvel établissement par an pendant 5 ans nous avons accueillis jusqu’à 30.000 clients français en saisons de mars à début novembre.

De retour en France en 1999, j’ai souhaité travailler avec les territoires et découvrir la face plus institutionnelle du tourisme. J’avais pratiqué le tourisme réceptif, la distribution de voyages, j’ai eu envie d’aller vers ce qui fait l’offre touristique française, le partage entre le privé et le public. J’ai trouvé un chemin tout en restant dans le monde de l’entreprise, à la Chambre de Commerce de Nice où j’ai été recruté comme Directeur du pôle Tourisme.

Laurent Garcia

L’objectif était que la Chambre de commerce retrouve le rôle qui lui revenait dans le paysage touristique départemental et régional. Pendant 7 ans, j’ai donc travaillé à la fois pour le tourisme d’affaires, en particulier au cœur des grands événements internationaux qui se déroulent sur la Riviera, mais aussi aux côtés des socio-professionnels à un moment où l’on pointait du doigt tout ce qui allait devenir l’ère du digital.

Pendant 6 ans j’ai contribué à créer au sein de ce réseau consulaire une forte dynamique liée autour de la digitalisation des services touristiques. J’ai créé notamment les rencontres professionnelles « Tourism@ » et les « Tourism@ Awards » avec des partenaires de renoms comme Amadeus, IBM, Orange… Cet évènement était devenu le carrefour des initiatives touristiques émergentes en passant par la digitalisation l’offre et la distribution au travers des plateformes numériques. De là, sont nées certaines rencontres, notamment dans le secteur de la montagne, comme Christian Mars l’un de nos nominé à Cannes en 2004 avant qu’il ne crée E-Liberty quelques temps plus tard.

Au cours de ces années à Nice, j’ai suivi un MBA exécutif en anglais pendant 2 ans, en parallèle de ma mission à la CCI. J’ai ensuite été recruté par une société américaine leader mondial en croisières fluviales, Grand Circle Travel, en tant que Directeur Général pour la France et la Hollande. Un métier très différent de ce que j’avais pu connaître, reporting quotidien avec le siège de Boston et une exploitation 11 mois sur 12 d’une flotte d’une de 12 bateaux à passagers sur les différents canaux français et hollandais mais aussi sur le Rhône et la Seine. Nous avions une grosse clientèle de 3ème et 4ème âge, exclusivement américaine, c’était une grande nouveauté pour moi qui avait pendant un temps dirigé des sites exclusivement réservées aux jeunes de moins de 40 ans ! En plus des 250 salariés, nous gérions beaucoup de contrats avec les sous-traitants (réceptifs, hôtels, autocaristes, tour leaders…).

Pouvez-vous nous raconter votre arrivée dans les Pyrénées ?

Laurent Garcia – La crise américaine est passée par là et elle est arrivée en France en 2008. Cette expérience de 3 années très intenses aura été très constructive au plan professionnel, au contact d’une culture de la performance et du management propres aux entreprises américaines. Le temps de retourner passer un été en Crête, on me propose alors de venir travailler dans les Pyrénées pour le groupe Altiservice en qualité de directeur marketing-commercial-communication. J’y ai retrouvé mes amours d’antan à la neige, avec un groupe de 6 stations de ski à l’époque.

J’ai commencé à côtoyer un certain nombre d’acteurs, exploitants, institutionnels, départements, régions qui forment ensemble le massif des Pyrénées. J’ai eu alors l’opportunité et la chance de rencontrer Michel Pélieu qui m’a proposé en 2014 de venir travailler à ses côtés, notamment pour accompagner les projets qui lui tenaient le plus à coeur, à savoir la création d’une télécabine qui relierait la haute vallée du Louron à Peyragudes et la création d’un hôtel 4* à Loudenvielle. Ces projets ont fini par sortir de terre, la télécabine Skyvall est opérationnelle depuis l’été 2019, l’hôtel Mercure Peyragudes-Loudenvielle a ouvert ses portes en mai 2021.

Laurent Garcia, Directeur Général de la station de Peyragudes dans les Hautes-Pyrénées

Pendant un an et demi j’ai travaillé à la promotion de l’espace valléen constitué de la station de Peyragudes, de celle de Val Louron et du centre thermoludique Balnéa en qualité de directeur de l’Office du Tourisme de la Haute Vallée du Louron et de la Maison de Peyragudes. Depuis octobre 2015 je dirige aussi la société de remontées mécaniques de Peyragudes, une SEM que nous avons transformé en 2018 en SPL.

Tous ensemble, élus, directeurs, techniciens et salariés dans nos différentes structures valléennes nous travaillons à la modernisation et la diversification de l’offre touristique sur notre territoire. En la matière, le centre de bien-être de Balnéa, est un fabuleux moteur de cette diversification « hors ski », il constitue à lui seul une offre totalement complémentaire au ski. Nous avons su bâtir autour du projet Skyvall, de nouvelles offres de randonnée mais surtout de VTT qui a connu en 5 ans un essor considérable. Nous progressons chaque année un peu plus vers la mutation d’une culture « de stations de ski » (Peyragudes et Val Louron) vers une « destination de montagne 4 saisons ».

Quelles sont vos motivations ? Pourquoi vous levez-vous le matin ?

Laurent Garcia – Je me lève le matin en me disant : « Tiens, il y a quelque chose de plus à faire aujourd’hui ». J’ai toujours en tête de faire avancer plusieurs sujets dans la même journée. Dans ce métier les moments de l’année sont tous différents et il faut faire preuve de beaucoup d’anticipation. Il faut savoir en pleine exploitation hivernale vivre le quotidien avec l’envie farouche de performer, de faire avancer les équipes et de satisfaire nos clients.

Et puis, dans le même temps, nous devons avoir aussi le regard porté sur les prochains mois, même les prochaines années pour ce qui relève des projets structurants, souvent longs à réaliser. Il nous faut toujours anticiper sur le coup d’après, faire avancer les projets et parvenir à un développement harmonieux, durable, équilibré dans le temps. C’est ce qui me plait, ce qui me motive le plus c’est la perspective de faire avancer des idées, de les partager avec mes équipes et de réaliser collectivement des choses très concrètes et utiles pour nos clients et pour le territoire.

Quelles sont vos plus belles réalisations ? De quoi vous sentez-vous le plus fier ?

Laurent Garcia – J’ai la fierté bien entendu d’avoir accompagné un projet comme Skyvall qui redessine aujourd’hui la destination de Peyragudes et de la Vallée du Louron. Je ne mets pas à mon crédit toutes les réalisations qui ont vu le jour depuis 6 ans qui sont celles des élus du Louron, et de Michel Pélieu en particulier. Je l’accompagne du mieux possible dans cette dynamique touristique mais aussi dans la phase de recherches de nouveaux investisseurs. Ce n’était pas facile de convaincre des investisseurs de venir construire un premier hôtel à Loudenvielle. La construction de la télécabine Skyvall a été un élément déclenchant pour la réalisation de cet hôtel. Fort de son succès, l’idée d’un deuxième hôtel fait son chemin.

Vue aérienne de la Vallée du Louron, dans les Hautes-Pyrénées

De chacune de mes expériences professionnelles, j’ai tiré la satisfaction d’avoir participé au développement de destinations touristiques. J’ai par exemple travaillé dans le Haut-Var comme le Lac de Sainte-Croix qui était en eau depuis quelques années. En 1983 j’ai été un des pionner dans la mise en place d’activités nautiques, à un moment où la planche à voile connaissait un essor considérable. Ces villages sortis de nulle part après la construction du barrage avaient alors l’opportunité d’affirmer un positionnement touristique différent du littoral.

Ou encore quelques années plus tard, mon implication a fait qu’un petit village devienne une véritable destination touristique de Crète, chaleureuse et très différente des grands ensembles de la côte nord.

Laurent Garcia, quels sont vos regrets ?

Laurent Garcia – Je fais le constat d’une organisation en mille-feuilles du tourisme de montagne, pour reprendre une image bien connue. A l’échelle d’un territoire comme le notre ce sont 2 départements, 2 communautés de communes, 2 offices de tourisme. Pour la SPL Peyragudes ce sont 2 syndicats actionnaires au sein de la SPL Peyragudes, le premier qui regroupe tous les villages de la vallée du Louron, l’autre composé d’une commune et du département de la Haute-Garonne.

La station souffre de cette configuration qui dessert aujourd’hui un juste équilibre entre les 2 versants de la station. D’un côté sur le secteur des Agudes (31), des infrastructures d’accueil et des hébergements vieillissants, d’une moindre qualité. De l’autre côté, sur le secteur de Peyresourde (65) une dynamique d’investissements continus depuis 30 ans qui sont venus amplifier les investissements réalisés par le domaine skiable à part égal sur les 2 versants sur cette même période. Aujourd’hui c’est bien la partie Haute-Pyrénées qui tire la station par le haut et non pas l’inverse. Un rééquilibrage est nécessaire, nous y travaillons mais le retard restera difficile à rattraper.

Quelles sont vos passions ?

Laurent Garcia – J’aime le sport en pleine nature, le ski le VTT, la rando en montagne, le golf aussi et les sports nautiques, je suis passionné de voile, j’adore naviguer et partir en voilier entre amis ou en famille. J’ai fait beaucoup de funboard (planche à voile) que j’ai pratiqué pendant plus de 20 ans.

Laurent Garcia

J’aimais naviguer aussi par gros temps, quand il y « baston » comme on dit, c’est utile lorsqu’on dirige une entreprise et particulièrement dans des crises comme celles que l’on traverse ces derniers temps. En montagne, l’hiver, j’ai beaucoup skié par mauvais temps, avec de gros flocons. J’aimais passer la journée dehors à des moments où d’autres préféraient rester au chaud. Je ne cache pas qu’au fil des années, on aspire quand même un peu plus de soleil. Mais j’ai aimé être confronté à des conditions naturelles difficiles, c’était un vrai bonheur parce que l’engagement et la prise de risque sont pour moi des valeurs importantes.

Où vous voyez-vous dans 5 ou 10 ans ?

Laurent Garcia – 5 ans c’est loin, ce sera le terme de cette aventure pyrénéenne. Je n’ai jamais réfléchi vraiment en termes de carrière professionnelle mais plutôt en termes de projets de vie et d’expériences. J’aspire à continuer d’une façon différente en apportant peut-être mon expérience aux services de territoires ou de collectivités et surtout à vivre de mes passions, à les partager en famille.