I Love Ski a rencontré Jean-Marc Simon, Directeur Général du Syndicat National des Moniteurs du Ski Français, une structure qui fédère sous le label École du Ski Français 16 mille membres à l’année dont la moitié active de façon permanente, et qui génère 300 millions d’euros d’honoraires en une saison. À quelques années de la retraite, Jean-Marc Simon partage avec nous son parcours, ses motivations et bien entendu, son amour pour la montagne.
Jean-Marc Simon, pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel ?
Jean-Marc Simon : Je suis né à Grenoble et originaire de Chambéry. À la fin de mes études, j’ai pu vivre de longues missions à l’étranger, en Côte d’Ivoire et aux États-Unis, mais je suis rentré en France pour rester proche de mes parents qui, quant à eux, sont rhône-alpins.

À l’occasion de ce retour, en 1988, j’ai intégré le syndicat national en tant que directeur administratif. Ce poste m’a tout de suite parlé car j’avais une formation d’administration des entreprise (IAE) et j’étais déjà moniteur de ski. En effet, j’ai un petit bagage de compétiteur, en tant que citadin, qui m’a permis de passer mon diplôme d’état et j’avais déjà enseigné en école de ski français à Pralognan-la-Vanoise.
Le rapprochement d’une activité professionnelle dans ce cadre montagne et cette enseigne prestigieuse de l’école de ski français fut comme une évidence ! Je me suis donc engagé sur ce poste au même moment où, l’entreprise dans laquelle je travaillais (Adecco), me demandait d’aller prendre du galon à Paris. J’ai donc fait un grand choix de vie à ce moment-là.
Quelles sont vos passions ?
Jean-Marc Simon : Mes passions sont de profiter de la montagne aussi bien à ski, qu’en marche à pied ou à vélo. Je fais beaucoup de vélo, chaque été je fais des grands parcours avec ma compagne du type Amsterdam – Grenoble, ou encore le tour de Sardaigne, tout ça en autonomie complète. C’est un vrai moment de liberté, de simplicité et d’efforts physiques qui fait du bien aussi à la tête.
Mon autre grande passion est la voile. J’aime beaucoup la voile, cela aurait pu être un autre choix de vie au même titre que le ski. J’y ai poussé mes filles et il est certain qu’à l’échéance de ma carrière professionnelle qui est pour bientôt, je reprendrai une activité « voile » beaucoup plus engagée. J’envisage l’achat d’un bateau pour me lancer dans une traversée de l’Atlantique et des séjours de 3 ou 4 mois par an en mer.
Jean-Marc Simon, quelles sont vos motivations ? Pourquoi vous levez-vous le matin ?
Jean-Marc Simon : Je me lève le matin pour accompagner un modèle d’organisation professionnelle qui est complètement atypique aujourd’hui en France. Elle est fondée sur la coopération, le partage et l’excellence. C’est une profession qui a un diplôme de qualité et qui contribue directement aux bénéfices du territoire, notamment, l’employabilité des personnes sur ce territoire et le meilleur service rendu aux touristes. C’est un concept que l’on ne trouve nulle part ailleurs dans l’enseignement, quelle que soit la discipline et le secteur économique.

Organisée sous un mode « associatif » ou chaque moniteur participe par son vote aux choix pris par le collectif, cette profession porte depuis longtemps des principes qui ont encore du chemin à faire dans d’autres secteurs (tel que la stricte égalité femme- homme en terme de rémunération).
C’est donc finalement un engagement politique que d’accompagner cette profession dans son évolution, son adaptation, l’évolution des mentalités, l’attente des individus et le partage entre les anciens et les plus jeunes.
C’est ce qui fait la richesse de l’activité dans laquelle je suis investi depuis plus de 30 ans
Quelle est votre plus grande satisfaction ou votre plus grande réussite ?
Jean-Marc Simon : Ce ne sont pas des satisfactions personnelles mais des réussites obtenues avec les présidents avec qui j’ai travaillé. Je pense notamment à Gilles Chabert avec qui nous avons avancé sur la question du pacte intergénérationnel qui organise légalement la répartition d’activités entre les jeunes et les anciens. Il s’agit d’une disposition nécessaire pour assurer la cohésion et le renouvellement de la profession. Les élus de la République et les parlementaires de montagne ont compris le besoin et ils nous ont accompagné dans le développement de cette loi.

L’autre sujet où j’ai beaucoup de satisfaction, c’est l’évolution digitale de la profession, sa capacité à adopter l’outil digital et même à être devant. La création de la place de marché « mon séjour en montagne » est un outil dans lequel nous exprimons toutes nos valeurs. Ce n’est pas un business model pour générer des revenus supplémentaires pour les moniteurs ou les structures. C’est simplement mettre au service du territoire nos forces pour que tous les acteurs puissent avoir une capacité d’exposition en préservant leur marge, leurs pratiques commerciales et leurs fichiers clients.
Quel est votre plus grand regret, s’il y en un ?
Jean-Marc Simon : Non, je n’ai pas de regret. Nous pouvons toujours faire mieux, nous pouvons toujours être plus engagés, nous aurions peut-être pu éviter certains contentieux internes à la profession si nous avions fait plus d’efforts en termes d’échange, de discussion et de travail. Cela était parfois assez violent car ça touchait la vie privée des gens. Cela n’a pas toujours été facile mais sincèrement, je suis fier de ce que l’on a fait.

Si vous aviez une liste de 3 voeux pour la montagne, quels seraient-ils ?
Jean-Marc Simon : J’en aurai deux. Le premier concernerait la gouvernance de la montagne afin qu’elle retrouve tout son poids, toute sa force. Elle appartient aux élus des stations, et tout le monde doit se mettre en marche derrière eux. Aujourd’hui, ils ont une vie difficile, avec toutes les charges à assumer, toute la complexité du système. Il faudrait vraiment qu’ils puissent être à la fois aidés et qu’ils puissent aussi prendre de la hauteur par rapport à cette mission qui est très importante.
Le politique au sens noble du terme devrait reprendre sa place pour assurer la cohésion du territoire

Le deuxième serait que nous sortions de cette centralisation parisienne qui plaque sur la montagne, des schémas qui ne lui sont pas adaptés. La spécificité de ce territoire ne doit pas systématiquement être rediscutée, négociée voire repoussée par le pays. La montagne est particulière, c’est une réalité, et elle a besoin de solutions particulières.
Face à l’avenir, comment vous projetez-vous ?
Jean-Marc Simon : Il faut être plus investi dans l’accompagnement de cette profession et sa mobilisation. Cela va être le travail du prochain congrès où l’on va créer une nouvelle séquence de cohésion et de discussion de la profession. La question principale de ce congrès sera : Comment cette profession va-t-elle vivre les années à venir et de quoi a-t’elle besoin ? Cela va permettre de renforcer cette unité indispensable et de la mobiliser sur les sujets qu’elle doit investir.

J’ai plaisir à parler de l’exemple de l’école de ski de La Toussuire. Elle a décidé de racheter un bâtiment qui était destiné à l’hébergement de classes de découverte et qui allait arrêter son activité. Plutôt que de laisser ce bâtiment partir en promotion immobilière, l’école avec son directeur et ses moniteurs, ont pris le manche. Ils ont voulu participer à la construction de son avenir, en reprenant le bâtiment pour maintenir son activité. Ce sont des sujets que nous pouvons retrouver partout. Dans notre profession, à notre niveau, nous avons des moyens d’agir. Il faut que les moniteurs eux-mêmes le comprennent et partagent une vision de leur action sur le territoire.
Avez-vous quelque chose à rajouter ?
Jean-Marc Simon : Pour ma part je pense avoir une chance exceptionnelle de vivre ce que je vis, de pouvoir créer avec cette profession et l’accompagner. Les « Rouges » ont un potentiel très riche et tellement inspirant pour l’avenir. Nous avons créé une fondation pour soutenir les classes de découvertes, et c’est cela a été une grande satisfaction de voir ce projet recevoir tout de suite l’approbation de tous et sans réserve.
Lorsque nous avons sollicité Emmanuel Faber, ( NDLR ex PDG de Danone) pour lui demander son parrainage, il nous a tout de suite donné son accord mais en plus il a décidé de nous accordé un soutien de 100 mille euros ! Les moniteurs de l’École du Ski Français ont vraiment une belle image et ils inspirent une réelle confiance. Il faut donc tout donner pour la défendre.
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