Bien comprendre les enjeux du thermalisme en montagne, c’est avant tout bien comprendre son histoire. « Prendre les eaux », une locution verbale qui date de plus de deux siècles et qui se pratique encore au travers des cures thermales thérapeutiques ou de mini-cures de santé. Historiquement, les eaux thermales ont contribué à l’essor du tourisme de montagne partout en France et particulièrement dans le massif des Pyrénées. Aujourd’hui, face à une clientèle vieillissante, le thermalisme est confronté à des enjeux de taille : innover, séduire et se réinventer, tout en conservant sa fonction première, « soigner par l’eau ».

Pour évoquer ces enjeux, I Love Ski a rencontré Guillaume Dalery, Président de la Fédération Thermale d’Occitanie et Maire de la commune de Lamalou les Bains. Il nous partage sa vision du Thermalisme en montagne et évoque les enjeux auxquels sont confrontées les stations de montagne à vocation thermale.

I Love Ski : L’Occitanie est la première région thermale de France, elle dispose de 17 stations thermales en montagne. Selon vous, Guillaume Dalery, quelles sont les particularités du thermalisme dans cet environnement de montagne ?

Guillaume Dalery : Une part importante du thermalisme est localisé dans les secteurs de montagne, les Alpes bien évidemment, mais aussi les Pyrénées. En Occitanie, 17 stations sur les 28 sont plutôt situées en zone de montagne. Parmi ces 17, nous en recensons 7 au sein de stations de ski. Il y a une raison simple à cela : le thermalisme est une exploitation de source d’eau et sa valorisation à des fins médicales. Les massifs montagneux étant des châteaux d’eaux naturels, c’est en toute logique qu’une bonne partie de nos stations thermales, en France, et notamment en région Occitanie, soient situées dans les zones de montagne.

Avant de parler de particularité, rappelons qu’une station thermale de montagne est similaire à toutes les stations thermales. Sa mission première est de soigner par l’eau. Ensuite, il y a un certain nombre de spécificités en montagne qui sont plus liées au territoire qu’à la ressource en eau proprement dite.

Image : thermes de Luchon (Occitanie)

Premièrement, la saison thermale est plus courte dans les zones de montagne, du fait des conditions météorologiques. Ensuite, les stations thermales situées en zone de montagne (et ce n’est pas sans conséquence dans leur organisation) sont souvent plus éloignées des centres urbains. Cela est notamment le cas dans les Pyrénées, avec des stations thermales qui ont développé des complémentarités avec d’autres activités. Cette complémentarité concerne bien évidemment le ski, mais également les activités de bien-être en général. Cette complémentarité avec des activités sportives, de nature et de ski est plus importante dans les stations de montagne qu’ailleurs, où nous retrouvons plutôt une mono activité.

I Love Ski : Le plan « Avenir Montagnes » lancé par le Gouvernement a pour objectif de contribuer à la diversification des stations de montagne. Y voyez une opportunité pour le thermalisme ? Si oui, sous quelles formes ?

Guillaume Dalery : Il y a bien sûr des opportunités. Les stations de ski et les stations thermales, sont toutes les deux à un moment important de leur histoire, un tournant dans leur développement. Si on analyse le contexte du ski et du thermalisme, il y a de grandes similitudes entre ces deux activités.

Image : station de montagne de Cauterets (Hautes-Pyrénées)

Avant toute chose, il faut rappeler que l’activité thermale et le ski sont souvent le principal moteur économique de leurs territoires. L’un des principaux enjeux aujourd’hui est de savoir comment maintenir ces activités. Certains se demandent si ces activités ont encore un avenir. Pour moi, cette question ne se pose même pas. Sans ces activités, ce sont des territoires entiers qui s’écroulent. Cette similitude entre les deux est extrêmement importante. L’enjeu est de savoir comment maintenir ces activités par rapport à l’importance qu’elles représentent pour les territoires.

La deuxième similitude entre le thermalisme et le ski est que, dans un cas comme dans l’autre, ces activités valorisent une ressource naturelle.

L’un des enjeux de ces prochaines années est de savoir comment parvenir à valoriser cette ressource de façon durable.

On entend beaucoup ce mot dans nos activités, et cela est quelque chose d’autant plus important que l’on valorise une ressource naturelle. L’avantage est que, dans le ski ou le thermalisme, ce sont des activités non délocalisables.

Ensuite, ce sont des activités qui nécessitent énormément d’investissement, ces derniers étant souvent portés par les communes. Ces investissements nécessitent d’être accompagnés financièrement. Les communes seules, et cela est encore plus vrai après la crise, vont avoir des difficultés pour pouvoir maintenir les niveaux d’investissement que nécessitent ces deux activités.

Et enfin, l’autre similitude, même si elle paraît assez simpliste, concerne le caractère mono spécifique de ces activités. Encore aujourd’hui, lorsque les gens viennent dans une station de ski c’est pour faire du ski, et dans une station thermale c’est pour une cure thermale. L’enjeu, au travers le plan « Avenir Montagnes » est de savoir comment arriver à diversifier nos offres. Sur ce point, les stations de montagne ont un énorme avantage, surtout lorsqu’elles sont à la fois station de ski et station thermale.

Image : thermes de Barèges (Hautes-Pyrénées)

I Love Ski : Il existe déjà une complémentarité entre le ski et les eaux thermales. Comment peut-on aujourd’hui renforcer ce lien ? Y-a-t-il des pistes de réflexion ?

Guillaume Dalery : Je pense qu’il ne faut pas que l’on réfléchisse complémentarité ski et thermalisme. A mon avis, on risque un peu de réduire la réflexion. Il faut raisonner à un niveau supérieur, c’est à dire à l’échelle du territoire.

Comme je le disais, les stations de montagne ont la chance de pouvoir offrir un panel d’activités dont le ski et le thermalisme, et bien d’autres choses. L’une des tendances actuelles est la diversité des activités. Les visiteurs viennent dans nos stations thermales pour faire une cure thermale mais pas que. Ils viennent dans une station de ski pour faire du ski mais pas que. Il ne faut pas se restreindre à une complémentarité entre le ski et le thermalisme, mais plutôt identifier le panel d’activités pouvant être proposé.

Image : « se faire du bien » durant une cure thermale

On parle beaucoup dans le tourisme d’expériences. Les visiteurs ne viennent pas seulement faire du ski ou une cure thermale.

Ils viennent vivre des expériences sur ce territoire. Dans ces expériences, il y a le ski, le thermalisme et de nombreuses autres activités.

I Love Ski : La crise sanitaire a fait apparaitre un certain nombre de grande tendance, qui existaient peut-être, mais qui ont été accélérées : développement du tourisme de proximité, recherche de grands espaces, déconnexion, diversification, envie de se faire du bien. En quoi le thermalisme et les eaux thermales peuvent devenir un vrai moteur d’attractivité pour les territoires de montagne ?

Guillaume Dalery : Je pense qu’il y a trois tendances majeures aujourd’hui. Il y a déjà la proximité. Maintenant, les gens cherchent des territoires touristiques à proximité de chez eux. La deuxième tendance concerne un besoin de nature au sens large. Les stations de montagne et notamment les stations thermales valorisent une ressource naturelle, qui répond tout à fait dans cette tendance-là. Et enfin la troisième tendance est le bien être au sens large. Reconnecter avec la nature, bien manger, bien vivre, se détendre dans une zone naturelle. Clairement, le thermalisme a toute sa place dans ces nouvelles tendances.

La région Occitanie, avec ses 28 stations thermales, permet de bénéficier d’une proximité sur le territoire : « pas loin de chez vous, vous avez une station thermale ». Nous pouvons répondre à cette tendance tout comme la nature et le bien-être. Le thermalisme doit se diversifier, sans oublier une ligne de crête parfois difficile à garder, à savoir sa finalité médicale. Il faut à la fois revendiquer que les eaux thermales sont une activité médicale tout en se diversifiant à travers le tourisme et les nouvelles tendances de consommation. Cette ligne de crête est un peu étroite. L’enjeu du thermalisme, dans les prochaines années, repose sur ces principes.

I Love Ski : Pour rebondir sur « la ligne de crête », existe t’il, selon vous, un tourisme basé sur l’eau ou plutôt un tourisme de santé ? Quels sont les enjeux du thermalisme en tant qu’activité touristique en montagne ?

Guillaume Dalery : Je pense qu’il faut plutôt parler d’un tourisme de territoire. Il ne faut pas se restreindre. Notre objectif est de pouvoir proposer une diversité de l’offre, et ne pas se restreindre à un type de tourisme en particulier.

Au contraire, je pense qu’il faut se revendiquer comme un territoire, communiquer et promouvoir un territoire et toute la diversité d’offre qu’il possède.

Aujourd’hui, les visiteurs choisissent leur destination touristique avant de choisir les activités.

Nous devons valoriser la porte d’entrée du territoire et nos stations de montagne. Ces dernières offrent une diversité de propositions et d’expériences touristiques, notamment à travers l’eau et la santé.

Nous serons attractifs si nous montrons que nous ne sommes pas que ça. Lorsqu’une personne vient dans nos stations de montagne, elle peut se faire du bien avec les eaux thermales (cure thermale), elle peut aussi aller se balader, profiter des marchés de proximité, des produits du terroir, mais aussi faire du ski. Et c’est cette diversité-là qui va faire que le territoire va être attractif d’un point de vue touristique.

L’activité thermale est à un moment important de son développement. La crise a été très impactante, comme pour beaucoup d’activités. Cela bouscule toute la filière et nous oblige à réfléchir sur ce que sera le thermalisme de demain en prenant en compte la diversification, et en abordant le thermalisme en tant qu’activité touristique mais aussi activité de santé.

Depuis mai 2017, Guillaume Dalery est Maire de la commune thermale de Lamalou les Bains, 4ème station thermale d’Occitanie. Il est également Président de la Fédération Thermale d’Occitanie depuis septembre 2020.

L’Occitanie est la première station thermale de France. Elle a enregistré en 2019, plus de 180.000 curistes, 3.300.000 nuitées. Elle a généré 120 millions d’euros de retombées directes injectées dans l’économie locale.


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