« Moins mais mieux » : derrière ces 3 mots simples, de véritables enjeux pour la montagne.
A l’heure du (re)démarrage de l’activité touristique dans un monde post-Covid, les comportement des visiteurs évoluent et ceux des territoires de montagne aussi. Ces derniers souhaitent défendre leur haute qualité pour protéger leur croissance et leur développement. Regards croisés de professionnels du tourisme et de la montagne sur cette notion du « Moins mais mieux ».
« Moins mais mieux » : des visiteurs en quête d’expériences
En montagne mais aussi ailleurs, chaque rencontre client-territoire produit une impression, qui participe à l’expérience client. Les lieux et la qualité des paysages font beaucoup, mais l‘approche humaine qui les accompagne en fait tout autant. Ce mode de consommation a « explosé au cours de la dernière décennie à travers des générations de voyageurs », relève Expedia, le deuxième plus gros OTA au monde.
Visites à la ferme, rencontre avec les habitants, sessions de cuisine et foods tour, balades guidées, artisans, histoire locale,… Ces moments de vérité mis bout à bout procurent une sensation mémorable pour le visiteur. La crise du COVID et la sortie de la pandémie ont accéléré ce besoin de ressourcement, de sensations, et a suscité le retour et le développement de ce tourisme expérientiel. « De plus en plus de voyageurs vont rechercher des expériences uniques pour compenser le temps perdu » pendant la pandémie, explique assure Jenn McCarthy – Expedia.

Selon les professionnels du secteur, l’année 2021 confirmera la prédominance du marché local, généralement identifié à moins de 3 heures de voiture. La sortie de crise et la vaccination à grande échelle ne devraient pas remettre en cause cette tendance car les voyageurs ont pris goût au tourisme local et à la redécouverte de leur « chez soi ».
Le « Moins mais mieux », une tendance qui prend de l’altitude
A l’échelle du territoire Savoie Mont Blanc, Michaël Ruysschaert, Directeur Général, revient sur les éléments d’attractivité qu’offre la montagne aujourd’hui : « la montagne, c’est avant un écosystème, avec ses produits, ses habitants, ses touristes, ses stations de ski, les lacs, ses grands espaces et un art de vivre à part entière. Avant la crise sanitaire, la stratégie était majoritairement celle de la conquête : “Venez et choisssez ». Aujourd’hui, nous disons plutôt « Laissez-vous guider », révélant le meilleur du territoire. Nous sommes dans la notion du fameux « Moins, mais mieux ». Nous devons utiliser cette phase de transition pour changer un peu le modèle, sans refaire le monde ni réinventer la roue. Par contre, il y a des vrais sujets sur lesquels il faut profiter de cette crise (et cette sortie de crise) pour changer notre stratégie de conquête ».
Face à ces nouvelles tendances et la décision prise par le Gouvernement de ne pas ouvrir les remontées mécaniques durant l’hiver 2020-2021, de nombreux acteurs et professionnels y voient encore une décision injuste, avec une stigmatisation de la montagne, ou plutôt de son activité principale qu’est le ski.

Une forte appétence pour la montagne
« En montagne, après un an et demi de coupure avec le ski alpin, on sent que le marché français va avoir une forte appétence pour nos destinations. Et on voit déjà que les indicateurs sont très positifs sur les premières réservations de l’hiver. Économiquement parlant, le ski est la colonne vertébrale de nombreux territoires de montagne. Je suis le premier à dire qu’il faut faire évoluer le modèle et je l’assume. Nous devons le faire évoluer sans vouloir le réinventer. Il est pour moi hors de question d’abandonner le ski, et cela serait totalement dramatique pour le département. Le tourisme représente 52% du PIB en Savoie, et le ski représente 27% du PIB en Haute-Savoie. Cela veut bien dire qu’il n’y a pas aujourd’hui d’autre modèle qui est capable de remplacer notre économie territoriale », nous explique Michaël Ruysschaert.
Je crois qu’il faut véritablement assumer qui nous sommes et en être fiers.
« Nous devons nous poser les bonnes questions. Nous sommes conscient que nous avons atteint un seuil et nous devons plutôt optimiser l’existant. Je pense notamment à l’habitat, les fameux lits froids, etc. Nous devons également proposer des produits d’excellence dans le ski, dans la glisse et dans la diversification pour devenir un territoire unique. Les deux départements de Savoie Mont-Blanc représentent 65% de l’offre ski. En cela, je crois que nous devons être exemplaires sur l’engagement que nous devons doit avoir pour les années à venir », conclut-il.

Faire « Moins mais mieux » à tous les niveaux
Du côté de la Compagnie des Alpes, à l’occasion des Assises Nationales de la Montagne à Chambéry, David Ponson, Directeur des Opérations Domaines Skiables, revient en détail sur cette tendance. La notion du « Moins mais mieux » est totalement intégrée aujourd’hui dans la stratégie du groupe Compagnie des Alpes.
Le « moins mais mieux », c’est quelque chose qui me parle.
Pour David Ponson, cette réflexion existe car elle est liée à un macro phénomène, celui de la démographie de l’échelle de la planète. « Nous constatons un appauvrissement des ressources au niveau global. Aujourd’hui, nous devons avoir une approche responsable à titre personnel, familial ou professionnel. « Le moins mais mieux » est une approche qui peut se décliner à peu près à tous les niveaux et qui nous permettra, je pense de trouver des solutions ».
« Le « moins mais mieux » est à mettre en perspective dans une notion plus générale de transition, de mise en mouvement et d’adaptation qui fait que le monde est celui qui existe aujourd’hui ! Donc « le moins mais mieux », c’est un peu un slogan que j’ai repris et que l’on réutilise dans les stratégies et dans les plans d’action que l’on peut mettre en place au sein de la Compagnie des Alpes », explique David Ponson.
S’engager pour préserver la montagne
« Cette notion de « moins mais mieux » nous amène à nous poser la question de savoir ce qui est sacré pour nous. En quoi a t’on envie de s’engager pour la montagne ? Cela nous donne plein de pistes de réflexion dans l’aménagement, dans les efforts que l’on doit mener, dans la gestion de nos ressources. L’eau est par exemple une ressource vitale et nous devons nous poser la question de nos aménagements. Qu’est-ce qu’une retenue d’eau en montagne ? A t’elle des vocations de corrections torrentielles ? Permet-elle d’éviter ses dégâts lors d’inondations, de ruissellement, de fonte ? »

« La ressource en eau a des vocations d’eau potable, d’abreuvage des troupeaux, de production de neige culture. Elle a différentes vertus et qualités. Nous devons avoir une réflexion collective sur ces ouvrages et arrêter de donner une mauvaise image de la montagne aménagée. Pour commencer, la montagne aménagée représente 4% des espaces montagnards, les pistes de ski ce sont 20% des espaces montagnards, à peine! », conclut Didier Ponson.
Faire mieux mais sans faire de décroissance
De son côté, à l’occasion de ces Assises Nationales de la montagne, Alexandre Maulin, Président des Domaines Skiables de France, insiste sur le fait de devoir faire mieux mais sans faire de décroissance.
Nous avons un devoir de faire mieux, mais nous avons également un droit, celui vivre chez nous.
Les stations de ski et les stations de montagne ont été créées pour que les gens puissent rester au pays et puissent continuer à y vivre et y travailler. Cela est encore vrai aujourd’hui et le sera encore longtemps, avec une préoccupation constante, celle de pouvoir y vivre bien. Aujourd’hui, au-delà de l’emploi, il y a d’autres indicateurs du bien-vivre comme la capacité de se loger ou de vivre dans un environnement protégé et préservé.

Une autre mission des stations de montagne est de connecter les individus à la nature dans un monde de plus en plus urbain. Face à ces enjeux, les territoires de montagne sont idéaux pour répondre à cette problématique. Le tourisme est un outil qui génère de la richesse pour les visiteurs et les habitants des territoires de montagne. Il est source d’investissements et contribue de ce fait à rendre le monde meilleur, et les territoires de montagne aussi. « Nous devons trouver un équilibre en arrêtant de tout opposer de manière permanente, tout en respectant l’environnement », conclut Alexandre Maulin.