L’innovation ne cesse de révolutionner le monde de la mode, en particulier les vêtements techniques. Avec en toile de fond une volonté clairement affichée de réduire leur impact sur l’environnement, les marques innovent. I Love Ski a échangé avec Julien Durant, CEO de la marque Picture Organic Clothing qui utilise un tissu textile partiellement issu d’une plante : la canne à sucre ou l’huile de la graine de ricin.

Image : Julien Durant. CEO Picture Organic Clothing

I Love Ski : L’objectif de Picture Organic Clothing est de remplacer la formule conventionnelle du MEG issue du pétrole, en utilisant la technique du bio-sourcing. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?

Julien Durant : si on analyse la cause principale du changement climatique, il s’agit de la combustion des énergies fossiles (gaz, pétrole, charbon). Et l’énergie qui contribue à produire un vêtement ou une matière première est issue de ces 3 combustibles. On les brûle pour avoir de l’énergie et on les transforme pour en obtenir des matériaux. Chez Picture, nous nous sommes dit que si 95% du changement climatique est lié à la combustion de ces énergies fossiles, il faut que l’on s’en sépare au maximum.

Au départ de nos collections, nous avons choisi d’utiliser des matériaux recyclés même si ces derniers sont initialement issus de ces énergies fossiles. Les matériaux recyclés nous permettent de ne pas utiliser de polyester conventionnel. Il n’y a pas d’étape de d’extraction et de transformation de la matière brute.

Image : Picture Organic Clothing – champ de culture du coton (Turquie)

En ce qui concerne notre collection « lifestyle », nous utilisons surtout des matériaux naturels qui n’utilisent pas de produits chimiques, de fertilisants, de pesticides.

Ensuite, en ce qui concerne les vêtements techniques, nous nous sommes demandés quelle serait l’évolution au delà du polyester recyclé pour sortir totalement d’une matière pétro-sourcée. Nous sommes donc allés chercher des matières à base de végétaux. Par contre, il ne fallait pas que ces cultures contribuent à de la déforestation ou de l’agriculture intensive d’OGM.

I Love Ski : Pouvez-vous nous expliquer comment sont réalisés vos produits bio-sourcés à base de canne à sucre ou huile de ricin ?

Julien Durant : Il existe différents procédés de transformation d’huile de ricin que l’on retrouve notamment dans la création de flacons dans la parfumerie. Le ricin est une plante qui pousse comme le chiendent et qui n’a pas besoin de culture. On récupère les fruits avec lesquels on peut faire un nylon. C’est une plante intéressante pour l’industrie car elle n’est pas comestible.

Image : Picture Organic Clothing – canne à sucre

Et puis, il y a les végétaux comme la canne à sucre ou la betterave qui contiennent du sucre à l’intérieur. Ce sont des cultures faites pour l’alimentaire mais les déchets sont aujourd’hui utilisés à 2 effets : soit pour en faire des biogaz qui vont créer de l’énergie, soit pour en faire des bio polymères, c’est à dire le polymère qui sert à la création des fibres. Le procédé industriel de la marque Picture Organic Clothing est basé là dessus mais il existe d’autres solutions.

Actuellement, nos produits sont un mix entre du tissu biosourcé et du tissu recyclé.

Image : Picture Organic Clothing

I Love Ski : Quels sont les freins au développement du bio-sourcé ?

Julien Durant : Le bio-sourcé est encore utilisé de manière marginale dans l’industrie mondiale du textile. Du coup, on se retrouve dans une problématique de prix car peu de fabricants l’utilisent et le produit reste cher. C’est pour cela que nous le mixons encore avec du recyclé.

Notre objectif à moyen terme est d’arriver à 100% de biosourcé pour vraiment sortir de cette dépendance à l’énergie fossile et même cette dépendance aux produits recyclés.

A moyen terme, nous sommes convaincus que ce sont des matériaux d’avenir. Si le marché consomme de plus en plus ces matériaux, l’impact de nos produits réduira et nous pourrons diffuser à un coût raisonnable les produits.

Image : engagement de la marque Picture Organic Clothing

Il ne faut pas oublier pourquoi la marque Picture Organic Clothing a fonctionné au départ. Nous voulions vendre du bio au prix du « pas bio ». Et cela signifie faire des compromis, trouver des équilibres pour que le produit génère une marge pour payer à la fois les détaillants, les employés, les développements de produits, et que le prix soit acceptable par le consommateur. Quand on a lancé ce concept en 2008 le consommateur était prêt à faire ce choix mais cela ne devait pas lui coûter un centime de plus.

Les attitudes ont changé en 12 ans. Nous faisons le choix de comprimer nos marges, nous évitons de faire des campagnes marketing avec des athlètes de renom pour valoriser avant tout la valeur intrinsèque du produit plutôt que le marketing autour de la marque.


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