Dans un contexte marqué par la pandémie et une totale absence de visibilité pour le monde de la montagne, I Love Ski a rencontré Michaël RUYSSCHAERT, Directeur Général de l’Agence Savoie Mont Blanc. Il revient avec nous sur la situation économique actuelle dans les stations de montagne, et nous présente sa feuille de route pour les mois à venir.

Image : Michaël RUYSSCHAERT, Directeur Général de l’Agence Savoie Mont Blanc

Des taux d’occupation entre 20 et 50% pour ces vacances de Noël

Les départements de Savoie et Haute Savoie enregistrent de grandes disparités liées principalement aux différences entre les stations. « Selon la dernière étude de l’observatoire de l’agence Savoie Mont Blanc, les stations de charme, dites «stations village» affichent des taux d’occupation d’environ 50%.

Les visiteurs se recentrent avant tout sur l’essentiel. 64% d’entre eux sont à la recherche de sensations, d’air pur. Ils aspirent à passer des bons moments sans aucune recherche spécifique d’activités outdoor ni de ski, comme on aurait pu se l’imaginer il y a quelques années.

Dans les stations d’altitude qui attirent plus les propriétaires, les habitués ou les inconditionnels, le taux d’occupation avoisine les 20% pour ces vacances de Noël.

Nous sommes donc entre 20 et 50% de taux d’occupation en fonction de la particularité, de l’attente et de la promesse station, ou de l’expérience village que l’on peut avoir », nous indique Michaël RUYSSCHAERT.

Tignes
Image : station de Tignes

Une perte potentielle de 30 à 35%

En Savoie et Haute-Savoie, l’avant saison (décembre) représente environ 6% de l’occupation de la saison : « nous l’avons naturellement perdu cet hiver ». La période des vacances de Noël et du Premier de l’An représente quant à elle 15%.

Michaël RUYSSCHAERT revient en détail sur la situation actuelle.

« En fonction des stations, on observe des pertes plus ou moins importantes »

« En ce qui concerne le mois de janvier, on nous parle de la date Totem du 07 janvier pour une réouverture de nos stations. Si c’était réellement le cas, la reprise d’activité nous permettrait de démarrer enfin la saison. Le mois de janvier pèse pour 15%. Si on fait le cumul, nous sommes sur une perte potentielle de 30 à 35% sur cette saison ».

val-thorens
Val Thorens, la station de ski la plus haute d’Europe

Des projections optimistes malgré le contexte

L’agence Savoir Mont Blanc affiche un certain optimiste malgré le contexte. « Nous avons des projections très optimistes de manière factuelle. G2A Consulting annonce des reports extrêmement importants en février et mars pour des clientèles en manque de glisse.

Du côté de Météo France, on nous annonce un hiver enneigé. On peut imaginer que les ailes de saison comme le mois d’avril seront de vraies sources économiques, non pas pour combler mais pour rattraper un certain retard au niveau de l’activité des socio-professionnels ».

Image : station de ski de Val Cenis

Un plan de soutien de 1 million d’euros pour accompagner cet hiver atypique

L’agence Savoie Mont-Blanc vient d’obtenir un plan de soutien de 1 million d’euros en terme de communication pour accompagner cet hiver 2020.2021.

«Cela est une somme importante en terme de communication avec un plan mass-média stratégique».

Dès le 17 janvier, la campagne TV « Savoie Mont Blanc » reprendra sur les grandes chaines nationales et TNT pour deux semaines (14 Millions de contacts). Sur la même période, s’ajoutera une campagne TV digitale forte sur Youtube, 6play et canaux infinitaires. Le plan média sera renforcé avec la presse nationale, régionale et locale et plusieurs dispositif digitaux avec en clef de voûte un film inspirationnel. Michaël RUYSSCHAERT nous présente ces axes de communication « simples mais essentiels » :

Inspirer

Le premier critère est de donner envie de venir en Savoie Mont Blanc, notamment durant le mois de février.

Réassurer

Notre objectif est de disposer d’un blog sanitaire qui rassemble tous les protocoles sanitaires de la destination afin d’en faciliter la lisibilité et la compréhension.

Gérer le trafic et l’outil des stations avec un tunnel de conversion

Nous avons accéléré deux sujets importants en terme de communication :

Le site lastationquimeva.com qui oriente les visiteurs en fonction de leurs besoins : destination famille ? Station d’altitude ? Envie de pratiquer une activité spécifique (parapente, plongée sous glace) ? Nous avons travaillé sur l’algorithme afin de diriger au mieux les visiteurs vers la destination Savoie Mont Blanc.

Le concept Skimarrange, orienté vers les nouvelles générations qui consiste à proposer des séjours flexibles, du court-séjour… L’objectif est d’éviter le traditionnel samedi-samedi, de toucher une clientèle plus agile et de mieux gérer les flux touristiques en période sanitaire. Il s’agit d’une action forte qui avait été lancée il y a 3 ans et qui a obtenu aujourd’hui l’adhésion de tous les gros opérateurs et hébergeurs.

Les réseaux sociaux

Aujourd’hui, nous devons être agiles et réactifs dans notre communication : nous avons la plus grosse communication au monde montagne sur les réseaux sociaux. Nous avons de grandes campagnes de sponsoring qui vont justement cibler les nouvelles activités et les nouvelles tendances.

La clientèle de proximité

Nous allons inciter la clientèle de proximité de venir à la journée, avec une vraie orientation vers les enfants des vallées pour les séduire. Nous avons toute une clientèle régionale ou de proximité qu’il faut reconquérir.

Les amateurs de soleil en hiver

Nous avons aussi fait un gros travail sur les personnes qui souhaitent partir au soleil. Depuis le déconfinement, les français peuvent se déplacer un peu partout sur la planète. L’idée est de séduire ces personnes qui sont en questionnement pour partir au soleil et qui ont une empreinte carbone forte. Nous leur proposons le grand air de la montagne avec une vraie offre, un prix et une flexibilité en court séjour.

Image : Les Saisies © Patrick Somelet

La baisse du tourisme international et l’impact sur les stations de Savoie Mont Blanc

Pandémie, restrictions de déplacement, Brexit… La montagne française souffre aujourd’hui d’une baisse importante du tourisme international. Alors, comment réduire cette dépendance aux clientèles internationales ? « Sans aucune langue de bois, je pense que l’on ne peut pas se passer d’une clientèle internationale. Nos territoires de montagne se sont construits avec une structure de clientèle cosmopolite. Ces clientèles nous apportent des leviers de croissance pour le territoire et un pouvoir d’achat souvent important qui s’aligne et complète le calendrier international. Aujourd’hui, le marché anglais est pris entre 2 sujets majeurs : crise sanitaire et Brexit.

Image : Avoriaz – Portes du Soleil

Le fait de dire qu’aujourd’hui on peut être moins dépendant des marchés internationaux, c’est remettre en question le modèle économique de nos destinations et la vision de nos activités demain. « Ne cassons pas le jouet » mais accompagnons de façon bienveillante la montagne dans une transition intelligente et positive en tenant compte des urgences environnementales mais aussi de l’économie en Savoie Mont Blanc.

Dire que l’on se passe de certaines clientèles ce serait dire que l’on se passe de certaines stations de ski, ce qui n’est absolument pas l’objet », nous explique Michaël RUYSSCHAERT. 

Renouvellement générationnel : une volonté de l’agence Savoie Mont-Blanc « parler aux jeunes comme eux l’entendent »

Avec un marché du ski très mâture en France, les jeunes générations ont du mal à s’intéresser aux pratiques des sports d’hiver. Michaël RUYSSCHAERT revient sur un chiffre qui « l’a énormément marqué » lorsqu’il est arrivé Directeur Général de l’Agence Savoie Mont Blanc. « A Chambéry, une étude menée il y a quelques années montrait que 70% des enfants ne connaissaient pas la montagne. Certes ils y sont allés une fois ou deux mais globalement ils n’ont pas de sensibilité de la montagne. A Chambéry, nous sommes aux portes de la Tarentaise, au carrefour de nos plus belles stations et près de 70% des enfants n’ont pas ce lien avec la montagne. Il y a un gros travail pédagogique à faire. Nous devons aussi travailler sur des aides financières pour que ces enfants et ces puissent découvrir la montagne. 

Nous avons lancé début décembre une campagne « Échappées familiales en Savoie Mont Blanc » campagne d’aide aux familles par la CAF de Savoie et l’ANCV pour l’année 2021. Plus de 12 000 familles pourrons ainsi épargner pour leurs prochaines sorties sous forme de Chèques vacances.

L’excursionniste est un marché réel

Nous avons un gros travail que nous n’avons pas su mener ces 30 dernières années : c’est recruter par le bas. Il faut sensibiliser les jeunes générations à la pratique de la glisse (sans forcément parler que de ski). Le plus beau souvenir d’un enfant de 3 ans sera sans aucun doute ses descentes en luge. Pour un jeune de 13 ans ce sera peut-être le snowboard… Nous avons eu tendance à raisonner sur le « planté de bâton, flexion, extension ». Pour moi, cela reste l’archétype du ski, la colonne vertébrale de notre promesse, mais ce ne sont pas forcement les attentes générationnelles. Nous devons tenter de séduire en nous attachant à parler aux jeunes comme eux l’entendent ».