Entre forêts de hêtres et de sapins, les prairies subalpines nous accueillent dans une vallée pleine de charme et d’authenticité, le Val d’Aran. Depuis ses sommets, sur les rives de la Maladeta ou de l’imposant Aneto, Xavi Ubeira, Directeur commercial de la station de ski de Baqueira Beret, se confie sur sa carrière professionnelle et ses aspirations.
I Love Ski : Pouvez-vous nous parler un peu de vous, Xavi Ubeira?
Xavi Ubeira : Je suis le CCO de la station Baqueira Beret depuis 6 ans maintenant, mais je travaille dans l’entreprise depuis 20 ans. En tant que directeur commercial, je suis en charge d’unifier et de coordonner à la fois la partie commerciale (directeur de l’agence de voyage Baqueira Beret) et la partie marketing (promotion, presse, réseaux sociaux, publicité et promotion de la station).
Je suis originaire du Val d’Aran, je suis né et j’ai grandi ici. Depuis que je suis petit, j’ai toujours été lié à la station de Baqueira Beret et à cette magnifique vallée grâce à mon père Aquilino Ubeira, devenu adjoint du directeur général de la station. Mon père a d’ailleurs été l’un des premiers ouvriers de la station et en 1964, il a participé à la construction du premier télésiège.

Il a travaillé sur la station jusqu’en 2000, année où j’ai rejoint l’entreprise et il a pris sa retraite. J’ai commencé comme pisteur-secouriste, puis j’ai évolué au sein des différents services de l’entreprise tels que la sécurité, le service qualité et environnement, le service technique (prise en charge de toute la problématique des projets, des permis, etc.), jusqu’à la seule branche qu’il me restait à essayer : le commercial et le marketing !
I Love Ski : Quel est votre lien avec le monde de la neige et comment s’est passée votre évolution dans le monde du ski professionnel?
Xavi Ubeira – Baqueira : : mon quotidien a toujours été étroitement lié à la neige. Quand j’étais petit, nous vivions au pied des pistes et ma mère me voyait toujours emprunter les remontées mécaniques depuis sa fenêtre.

C’est ainsi que j’ai commencé le ski. A l’âge de 9 ou 10 ans j’ai rejoint l’équipe nationale de l’école Juan March (autrefois en Espagne il y avait ce qu’on appelait l’équipe nationale des promesses), une équipe pour les jeunes talents au niveau espagnol.

Petit à petit, j’ai parcouru tous les niveaux au sein de l’équipe nationale, et à 16 ans je suis passé dans la catégorie junior.

C’est alors que j’ai commencé à participer à des compétitions internationales et des Coupes d’Europe. Je suis également entré dans l’équipe nationale espagnole de ski. J’ai pu participer à plusieurs Coupes du monde et aller aux Jeux Olympiques de 1992 (Albertville) et 94 (Lillehammer).

J’ai rejoint l’équipe nationale à l’âge de 18 ans (en 1988) et j’ai participé à différentes épreuves jusqu’en 95, année où j’ai quitté le ski de compétition pour profiter de la belle opportunité qui m’a été donnée d’aller étudier aux Etats-Unis.
À l’âge de 25 ans, j’ai postulé à l’Université Sierra Nevada à Lake Tahoe (juste à la frontière du Nevada avec la Californie) avec la grande chance de recevoir une bourse (grâce au ski) pour étudier un programme spécifique d’administration des affaires (ce que l’on appelle en Espagne l’Administration et Gestion d’entreprise), axé sur la gestion des stations de ski.
Pour les universités américaines, le sport est très important. Cette université avait une équipe de ski avec laquelle j’ai pu continuer à skier chaque jour et à concourir. De plus, j’ai réussi à étudier ce à quoi je voulais me consacrer tout en acquérant des connaissances que j’emporterais plus tard chez moi.

En 1999, j’ai obtenu mon diplôme et suis resté un an de plus pour travailler à Lake Tahoe, à la station de Heavenly Valley, CA. J’étais entraîneur du Club de la station Heavenly Valley, CA Ski Foundation. J’y ai accompagné des jeunes qui allaient entrer plus tard en équipe nationale américaine.
Pour moi, ce fut une année incroyable. J’ai travaillé dans un endroit magnifique et ce fut une occasion unique de connaître la compétition américaine. Après mon année de travail aux États-Unis, je suis rentré en 2000 et j’ai commencé à travailler à la station de Baqueira Beret. J’ai évolué sur tous les postes que j’ai mentionnés précédemment, de pisteur secouriste à des départements plus techniques. Puis, j’ai découvert la partie plus commerciale où je suis maintenant.

Je suis actuellement ravi du travail que nous faisons. Ce sont des années spectaculaires avec une belle projection, même à l’international, puisque nous travaillons sur le marché suédois, anglais, américain, japonais, etc. Cette projection internationale était ce qui nous manquait. Actuellement, nous faisons un très, très bon travail. L’année dernière, nous avons battu de nombreux records, et nous avons eu une excellente année même avec un mois d’exploitation en moins. Cependant, cette année, nous devrons nous adapter aux moments difficiles que nous avons à vivre et faire en sorte que tout rentre dans l’ordre au plus tôt.
I Love Ski : Qu’est-ce qui vous motive au quotidien et qui vous incite à vous lever le matin?
Xavi Ubeira – Baqueira : Pendant de nombreuses années, le sport et mon travail ont été ma principale motivation. J’ai actuellement 50 ans, je suis marié et j’ai deux filles : une de 12 ans et une de 6 ans, et elles skient toutes les deux. Elles sont ma force. Ma femme et mes filles me maintiennent en vie et me donnent envie de continuer chaque jour, et d’avancer toujours un peu plus.

Je suis également très motivé professionnellement avec l’envie de positionner la station de Baqueira Beret à la place qu’elle mérite. C’est mon grand objectif. La vérité est que j’ai connu de nombreux endroits dans le monde, j’ai voyagé à travers de nombreux pays et je suis allé dans de très nombreuses stations de ski dans le monde (comme les États-Unis, le Japon, l’Amérique du Sud, les Alpes, etc.). Cependant, la combinaison que créent Baqueira Beret et le Val d’Aran n’est pas facile à trouver. C’est un site spectaculaire.
Quand les gens viennent de l’extérieur, comme les journalistes internationaux, ils sont surpris de voir la petite merveille que nous avons ici. Cette station sera probablement parmi les meilleures au monde. Notre objectif est de pouvoir mettre Baqueira Beret et le Val d’Aran à l’endroit qu’elles méritent et cesser d’être une «destination inconnue». Il est important que les gens en sachent plus sur cet endroit, qu’ils y viennent et deviennent des passionnés. Nous nous battrons pour dépasser la barre du million de skieurs.
I Love Ski : Sur le plan personnel ou professionnel, de quoi êtes-vous le plus fier aujourd’hui?
Xavi Ubeira – Baqueira : Sur le plan personnel, je vous parlerai, sans aucun doute, de ma femme et de mes filles. Sur le plan professionnel, être olympien représentait beaucoup pour moi. Les expériences de ce type sont uniques et restent ancrées pour toujours.

Je dois aussi reconnaître que les choses ont été plutôt faciles pour moi, surtout grâce à mes parents. Ils ont tout donné pour moi et m’ont toujours permis de skier, aussi bien ici en Espagne que lorsque je suis allé aux États-Unis (j’ai pu skier là-bas grâce à la bourse, mais sans leur aide, cela aurait été impossible). Mon père a toujours été mon mentor et celui qui m’a transmis sa passion de la montagne et du ski dès son plus jeune âge. Il est maintenant très fier que je sois qui je suis, et que je travaille à la station. Sans lui, cela n’aurait pas été possible.
I Love Ski : Vous avez évoqué le fait d’atteindre le million de skieurs, mais avez-vous d’autres objectifs que vous aimeriez accomplir avant la fin de votre carrière?
Xavi Ubeira – Baqueira : La vérité est que je suis actuellement dans une situation où j’aime mon travail, je peux gagner ma vie en faisant ce que j’aime et je vis où je veux (pour moi l’un des meilleurs endroits au monde). Je n’ai pas d’ambitions beaucoup plus grandes que les ambitions professionnelles en interne. Je suis ravi de ce que j’ai et de ce que je fais chaque jour. Si l’entreprise me le permet, j’aimerais prendre ma retraite ici dans quelques années.

Il est vrai que j’ai toujours eu « l’envie » de travailler dans une station de ski aux États-Unis. Y travailler aujourd’hui est plus compliqué à cause des problèmes de visa. Et quand on vieillit et que l’on a une famille, quelque chose d’aussi instable est plus compliqué. Mais vous ne savez jamais où est la prochaine étape et toute opportunité est bonne. Mais une chose est sûre. Je ne peux imaginer un meilleur endroit pour travailler et vivre, et mon avenir et celui de ma famille sont actuellement ici.
I Love Ski : Xavi, nous savons que vous êtes passionné de ski, mais avez-vous d’autres passions?
Xavi Ubeira – Baqueira : En plus du ski et des sports d’hiver, j’adore le golf, aller à des concerts de musique et profiter de mes filles. En raison de la situation actuelle du Covid, tout s’est arrêté, et par conséquent, ces loisirs aussi. Mais cela ne m’empêche pas de faire du sport, de faire du vélo ou de courir, de profiter des montagnes et de la vallée, de déconnecter, profiter et apprécier des moments simples avec mes filles.
I Love Ski : une autre question concernant le secteur de la neige en Espagne. Si vous aviez une liste de voeux pour l’industrie de la neige en Espagne, quelle serait-elle?
Xavi Ubeira – Baqueira : La première chose que nous devons faire est de travailler avec les écoles et auprès des débutants et des enfants. Je crois que c’est la base, que tous les enfants et les gens peuvent avoir accès au ski. Cela garantira qu’à l’avenir nous pourrons continuer à fonctionner comme une industrie de la neige.

Pour certains, le ski soit est un sport élitiste. J’aimerais que le ski soit plus accessible et abordable pour tous, en particulier pour les personnes qui vivent dans les grandes villes. De plus, nous devrons faire face au changement climatique, et nous verrons où cela nous mène. Transmettre tout cela aux grandes villes et aux grands noyaux urbains afin que le ski soit vu comme un sport à pratiquer en famille et en pleine nature. C’est ce à quoi nous devons tendre en tant qu’industrie du ski.
I Love Ski : nous parlons du changement climatique et de la façon dont les montagnes vont être affectées. Comment voyez-vous l’industrie de la neige dans 20 ou 30 ans?
Xavi Ubiera – Baqueira : Honnêtement, je ne sais pas comment le changement climatique affectera les montagnes. Ce que je sais, c’est que les technologies s’améliorent chaque jour. Nous nous sommes adaptés aux nouveaux besoins créés par ce changement climatique avec de nouvelles machines électriques, qui consomment très peu et qui s’adaptent beaucoup mieux aux conditions climatiques.

Bien sûr, le changement climatique affectera les montagnes, mais les technologies permettront au changement climatique d’être moins perceptible et au ski de continuer à fonctionner. Ce qui est clair, c’est que l’environnement est notre joyau et nous devons tout mettre en œuvre pour en prendre soin. L’important est aussi de continuer à respecter notre environnement, de bien prendre soin de la montagne et que les gens continuent à s’y évader et à en profiter autant qu’ils le peuvent.
I Love Ski : Vous avez encore de nombreuses années à travailler. Comment voyez-vous la fin de votre carrière?
Xavi Ubiera – Baqueira : En accord avec les questions précédentes, à ce stade et avec mon âge et ma famille, il est difficile de prendre les valises et d’aller ailleurs. Là où je vis, c’est là où je veux être. J’apprécie chaque jour que je vais travailler, j’ai mes parents et mes amis ici, toute ma vie est ici avec moi. La vérité est que je ne me vois pas changer d’endroit.
Mais on ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve. Je me vois ici jusqu’à la fin de ma carrière, transmettre ma passion et apporter ma sagesse à la station afin qu’elle devienne une destination de référence. C’est ça que je veux, je ne pense à rien d’autre. À ce jour, je me vois ici jusqu’à ma retraite. Ensuite, je continuerai à skier jusqu’à ce que mes jambes me le permettent (rires).

I Love Ski : Merci beaucoup Xavi pour vos confidences. Souhaitez-vous ajouter autre chose?
Xavi Ubiera – Baqueira : Je voudrais ajouter que j’espère que nous pourrons trouver des solutions pour que les gens qui traversent un si mauvais moment aujourd’hui, puissent venir ici pour déconnecter du cauchemar que nous traversons.
Cet été, de nombreux visiteurs ont pu profiter des montagnes et de l’air pur des vallées. De notre côté, nous ferons tout notre possible pour que la montagne soit une partie importante de la solution à tout ce stress vécu en 2020 et pour transmettre à nos skieurs ces incroyables sensations de liberté, de tranquillité et de nature.