I Love Ski a rencontré Vincent Tassart, PDG du groupe STEM International. Passionné de montagne depuis son plus jeune âge, il y consacre sa vie. Soucieux de l’évolution des modèles de développement des stations, il partage avec nous son regard sur le monde de la montagne, à l’échelle nationale mais aussi internationale.

 

Pouvez-vous nous raconter votre parcours personnel et professionnel ?

Vincent Tassart : J’ai 53 ans. Je suis né à Senlis au nord de Paris. J’ai vécu jusqu’à 6 ans en région parisienne avant de découvrir la montagne et la neige, en 1973 au Col des Saisies. Et cela ne m’a jamais quitté malgré un détour de 10 ans à Calais. Je suis revenu dans les Alpes à la fin de mes études, pour faire une DESS Droit de la montagne à Grenoble, en me disant « c’est là que je veux être, c’est là où je me sens bien ».

Dès lors (1991), j’ai toujours vécu et travaillé en montagne, de Villard de Lans aux Pyrénées Orientales en passant par les Hautes Pyrénées, l’Andorre et l’étranger.

Dans mon parcours professionnel, j’ai connu les collectivités locales en tant que secrétaire général de la collectivité de Villard de Lans, puis de l’autre côté sur la partie exploitant à Cauterets (structure publique), en Andorre (en structure privée), à l’international (en privé) et depuis maintenant 4 ans avec ma propre société STEM International

Je suis d’une origine plutôt administrative et financière et non technique. J’ai vraiment commencé par le développement et la négociation de contrats.

Aujourd’hui mon coeur d’activité est la gestion de domaines et leur transformation. Que fait-on de la montagne ? Comment faire évoluer des sites “ski” quand il y a de la neige et la montagne lorsqu’elle n’est pas « ski » ? On essaie de faire cela en France et à l’international.

 

Pouvez-vous nous présenter vos interventions à l’international ?

Vincent Tassart : A l’international, nous n’exploitons pas de site. Depuis la création de STEM, nous intervenons au Kazakstan où je travaillais depuis 2009. Nous y avons tissé des liens importants, notamment sur la station de Shymbulak. Nous y faisons de l’accompagnement stratégique au niveau de la station, de l’accompagnement technique en liaison avec Doppelmayer, et de la formation du personnel sur divers sujets. Plusieurs projets d’assistance au développement de stations sont en cours. Nous entretenons une vraie relation tant professionnelle que de cœur avec eux. Pour travailler avec des gens, il faut s’entendre avec eux. Il n’y a pas de secret. Soit on a le feeling, soit il faut vite arrêter.

Reconnaissance en site vierge au Kazakhstan, avec une équipe Française, Andorrane, Italienne

En Slovénie, nous avons une relation très ancienne et principalement sur le site de BOVEC à la frontière slovéno-italienne. Nous faisons de l’accompagnement sur le repositionnement de la station qui a été l’une des premières de l’ex-Yougoslavie mais qui est vieillissante.

Et puis, nous effectuons des interventions spécifiques, comme par exemple dans une station en Croatie. Nous sommes vraiment dans un positionnement 4 saisons car la neige y est faible et la station a vraiment besoin d’une assistance sur la partie Neige et son développement en hiver.

 

Vincent Tassart, pouvez-nous nous présenter la structure STEM international ?

Vincent Tassart : La structure est composée de 20 salariés permanents et atteint en pleine saison à 125 personnes. Aujourd’hui nous avons 3 structures :

. STEM International, la maison mère qui possède aujourd’hui 3 principaux contrats de gestions :

  • La station de Gavarnie Gèdre avec encore 2 années de contrat (nous y gérons le domaine skiable et travaillons sur un projet de développement à 40 ans, dans le cadre d’un appel à candidatures)
  • La station et le parc de loisirs du Hautacam, qui est pour nous un modèle de station moyenne. Il s’agit d’un vrai laboratoire qui propose une offre équilibrée en moyenne montagne.
  • La station de Laguiole composée de 12 téléskis. Nous sommes sur le repositionnement d’un espace d’initiation et d’apprentissage du ski pour les gens de Rodez et l’Aveyron.

Dans les 3 cas, nous y sommes pour les 2 prochaines années, Nous avons de très bonnes relations avec les personnes publiques qui y sont. Dans tous les cas, nous partageons un projet commun et si c’est encore le cas, nous ferons un bout de route ensemble.

Gavarnie : territoire d’exception – Découverte du site en hiver avec nos partenaires

. STEM International a aujourd’hui deux filles :

  • STEM Grands sites : elle est spécialisée dans la restauration et la gestion de refuges. Elle gère la restauration sur la station de Gavarnie et sur la station du Hautacam. Et cela fait maintenant 3 ans que nous gérons une auberge refuge sur le site de Troumouse (commune de Gavarnie Gèdre). Nous croyons à ce développement de l’été et ce type d’offre.
  • STEM Aéro : nous avons entrepris une diversification qui devrait se manifester dans les jours qui viennent. L’idée n’est pas de gérer des gros porteurs mais d’apporter du service dans le domaine de l’aviation civile. Il s’agit d’une niche qui peut devenir importante dans les prochaines décennies. La voiture volante, c’est peut-être dans 20 ans !

 

Quelles sont vos motivations ? Pourquoi vous levez-vous le matin ?

Vincent Tassart : Je me lève le matin tant que j’ai des projets. Aujourd’hui je partage avec certaines personnes des points communs et des envies. Je fais souvent peur à mes équipes car j’arrive toutes les semaines avec de nouveaux projets. Il y a certaines fois, elles en ont ras le bol et elles le disent (rire), car nous avons beaucoup d’échanges. Tout peut se dire …..avec un respect des autres comme de la hiérarchie bien sûr. C’est dynamique et ça motive.

J’ai surtout l’envie de mener des choses, de participer au développement d’un secteur dans lequel je me sens bien et que j’aime.

Le jour où il n’y aura plus de projets j’espère que je serai à la retraite (rire).

Innsbrück : Interalpin / Grenoble – Mountain Planet – Des moments pour retrouver ses amis

 

Vincent Tassart, quelles sont vos passions ?

Vincent Tassart : J’aime beaucoup l’activité sportive, le ski aussi mais je ne suis pas un grand skieur. J’aime la neige, le froid et je suis de plus en plus frileux (rire).

Aujourd’hui, je pense que j’aime plus la montagne l’été, en VTT. Tous les endroits du monde sont beaux, il faut juste prendre le temps de les découvrir. Le VTT à assistance électrique est une excellente façon de voir les choses plus vite, et de prendre du plaisir.

Si on ne se fait pas plaisir, et qu’il n’y a pas un peu d’humour, cela ne fonctionne pas. Il faut pouvoir rire en commun.

VTT entre Megève et les Saisies : un lieu fantastique et de ressourcement

Enfin, j’aime beaucoup l’art moderne, le Street Art et la gastronomie. Lorsque l’on est quelque part, il faut en profiter pour découvrir la façon de vivre locale. Des fois on aime, des fois on n’aime pas ! Il faut aller voir, être curieux. C’est comme lorsque l’on est petit : « On ne dit pas -J’aime pas-, avant d’avoir goûté » (rire).

 

Si vous aviez une liste de vœux pour la montagne de demain, quelle serait-elle ?

Vincent Tassart : Le premier vœu, c’est d’avoir un projet pour la montagne, et non pas, par défaut, avoir un projet pour la montagne afin de régler un problème urbain.

Il nous faut construire une offre de tourisme, de détente, d’évasion sur des valeurs d’authenticité. Dans le même temps, les personnes qui travaillent sur place ont des besoins (école, soins médicaux, magasins) et des envies culturelles comme d’évasion, principalement concentrés en milieu urbain.
Nous n’avons pas trouvé les clés de ce modèle économique.

Mon deuxième vœu est d’arriver à trouver comment faire le lien entre la montagne et ses centres de ressources. Ce n’est pas opposé à ce que je viens de dire, car il faut que ce soit durable. C’est infernal de sortir d’une ville avec un embouteillage pour faire la queue à l’aller et au retour en station. On reproduit un schéma urbain et le pire, c’est que les gens ne sont pas choqués.

Moi, je fais demi-tour car je ne suis pas urbain naturellement. Nous avons un gros atout qui est celui de la COVID. Nos régions de montagne ont vécu cette attractivité et cette redécouverte, sauf peut-être sur la partie haute montagne. On s’est aperçu que nous étions sur une montagne de consommation et non pas une montagne de redécouverte d’un espace naturel. Le plus important est que les gens sont venus et ont aimé, alors comment travailler ce terreau ? Comment recréer un modèle de développement de la montagne tout en maintenant une vie locale ?

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Vincent Tassart, comment voyez-vous la pratique du ski d’ici 20-30 ans ?

Vincent Tassart : Il y a eu le ski, le snowboard, puis on est revenu au ski. La partie technique fait beaucoup car l’une des énormes difficultés du ski est son temps d’apprentissage. Il n’est absolument pas cohérent avec les modes de consommation actuels. Je m’interroge beaucoup sur des formes de glisse différentes comme le Snooc qui permettent de pratiquer une activité en montagne sans avoir un temps d’apprentissage important.

La diminution des classes de neige et de la découverte du ski pendant le temps scolaire est une réelle préoccupation.

La découverte de la neige et de l’apprentissage est plus facile avec les enfants. A 8 ans on se roule dans la neige, alors qu’à 15 ans, on a peur de tomber et on a peur de l’image que l’on donne. A 25 ans, on préfère passer à autre chose.

Et puis, le ski reste un produit très cher. Le ski doit rester accessible à la classe moyenne, qui constitue le vivier des stations petites et moyennes. Ces stations ont leur rôle dans la structuration, la vie et l’aménagement du territoire.

Il y a un vrai questionnement sur le prix pour renouveler nos installations et ces équipements, notamment sur la rénovation de l’hébergement touristique, avec un parc vieillissant et de moins en moins adapté aux attentes d’une clientèle qui a appris à voyager. Je dis que le ski, dans son coût global de séjour, est cher.

Dans le même temps, des installations vieillissantes, même à un faible prix ne vont pas inciter les clients à venir. Alors, comment financer notre modernisation ? Quel modèle devons-nous appliquer ? Est-il le même pour les grandes stations, les stations moyennes ou les petites stations ?

De manière générale, je suis assez confiant sur des projets à taille humaine, avec des équilibres économiques pour des petites stations. Elles ont l’inconvénient d’avoir des marges de manœuvre restreintes mais, dans le même temps, elles n’ont pas investi de façon trop importante et leur repositionnement est plus facile.

Dans tous les cas, il faudra néanmoins avoir une implication publique de soutien à l’investissement et au développement pour l’ensemble de la montagne française.