Visite d’Emmanuel Macron au chevet de la Vallée Blanche, insultes au Maire de Saint-Gervais, critiques à tout-va pour la station pyrénéenne de Luchon-Superbagnères. La montagne est au cœur de l’actualité. Certains parlent de « Montagne Bashing », d’autres insultent les pratiques employées par certaines stations de ski en cette période de vacances de février. Mais pourquoi les médias s’en prennent-ils autant à la montagne ?
La montagne française au cœur de la tourmente
C’est une station des Pyrénées qui a mit le feu aux poudres la semaine dernière. L’or blanc se faisant rare durant ces vacances de février, la station de Luchon-Superbagnères a fait le choix de transporter de la neige du haut de son domaine vers le secteur débutant. Une opération de 2h30 en hélicoptère qui a permis de transporter 50 tonnes de neige sur l’espace débutant de la station.
Une décision assumée par la gouvernance de la station qui a argumenté sa décision dans un souci de maintenir l’activité de la station et de permettre aux professionnels du ski de pouvoir travailler et d’accueillir les vacanciers sur place. En complément de cette opération, la station a également mis en place des activités complémentaires au ski, dans le but de satisfaire au mieux les clients en vacances sur la station.
Il est important de rappeler que les vacances d’hiver pèsent lourd sur l’économie des territoires de montagne. Elles représentent plus de 30% de l’activité des stations françaises (source : Domaines skiables de France) en terme de journées/ski. Un poids d’autant plus important que pour 1€ dépensé en forfait, 6€ supplémentaires sont dépensés par le client en station, soit au total 7 € dépensés.

Un effet boule de neige avec les réseaux sociaux
Les réactions face à cette opération de transport de neige par hélicoptère, n’ont pas tardé à se faire entendre. Et les réseaux sociaux ont été le théâtre de toutes sortes de commentaires : « le ski, c’est fini », « le ski, un sport de riches », « opération non écologique », « les professionnels de la montagne non respectueux de leur environnement », etc. Une réaction partagée au plus haut niveau, et notamment avec une publication ce dimanche 16 février sur Twitter de la ministre de la transition écologique, Elisabeth Borne.
A à tel point que les représentants des domaines skiables de France seront convoqués par la Ministre et Jean-Baptiste Lemoyne, le secrétaire d’Etat au tourisme et au commerce extérieur, dans les prochains jours afin de clarifier certaines pratiques.
Le cabinet de la Ministre a indiqué à l’Agence France-presse (AFP) que le but du message de la ministre était clair : mettre un coup d’arrêt rapide à telles opérations très polluantes. Cette réunion vise aussi à chercher des solutions pour les élus locaux, les transports de neige par camions étant également problématiques, selon la même source.
Le transport par hélicoptère en montagne : une pratique souvent inévitable
En montagne, le transport par hélicoptère est monnaie courante : approvisionnement des refuges, secours en montagne, transport de blessés, transport de personnel, ravitaillement de chantiers, constructions, déclenchement préventifs d’avalanche. Il s’agit d’un moyen de transport utilisé lorsqu’il n’existe pas d’autre alternative, que l’accès est difficile, voire impossible, ou que les autres alternatives sont plus polluantes (transport en camions notamment).
Les stations de montagne utilisent ces services d’héliportage avec parcimonie. Tout d’abord à cause du coût de ces derniers, mais aussi et surtout à cause de leur impact environnemental. Le choix de ce type de transport est souvent une solution d’urgence à une situation d’urgence. Une méthode utilisée à des fins pratiques, et absolument pas à des fins d’activités économiques à part entière, comme peuvent l’être par exemple les survols touristiques au dessus des chutes du Niagara (Canada) ou du Grand Canyon aux Etats-Unis.
Le changement climatique, au cœur des préoccupations des domaines skiables
Une situation qui démontre à quel point certains sujets, comme l’environnement, sont au cœur des débats, et une préoccupation de la part de la société. Mais tout ceci est-il à la hauteur des enjeux ? Est-il judicieux et nécessaire de s’en prendre autant à la montagne et à ses professionnels qui subissent les effets du réchauffement climatique et tentent de trouver des solutions pour maintenir une économie dans des territoires dépendants majoritairement de l’activité du ski ?
Il est important de rappeler ici que les professionnels de la montagne prennent à bras le corps cette problématique du changement climatique qui impacte fortement un grand nombre de stations françaises, et notamment les stations de basse et moyenne altitude. Depuis plusieurs années, les domaines skiables français se mobilisent collectivement pour une durabilité des pratiques.
Le dernier Congrès des Domaines Skiables de France, en octobre 2019, à Besançon, auquel avait assisté Jean-Baptiste Lemoyne, avait d’ailleurs eu pour enjeu de projeter les domaines skiables dans les 50 prochaines années. Une prise en compte responsable des différentes études scientifiques menées sur les territoires de montagne, et notamment le Rapport du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat), et ses conséquences en terme d’enneigement naturel sur les massifs. Une projection qui doit permettre aux professionnels de la montagne de s’adapter, d’anticiper le manque de neige et de positionner la montagne française en « destination 4 saisons ».
La montagne se met en colère
Face à l’ampleur de la situation, les professionnels s’insurgent et les élus de la montagne prennent la parole pour défendre leur activité. Jean-Pierre Rougeaux, Maire de Valloire, publiait ce lundi un post sur Facebook :
« J’ai souhaité prendre la parole au travers des réseaux sociaux car la montagne ne doit pas devenir un bouc émissaire.
Il est vrai que la montagne subit directement les effets du changement climatique ; elle est à ce titre un véritable thermomètre du réchauffement de la planète. Mais elle ne peut être tenue pour responsable de l’ensemble de ce phénomène
D’importants efforts sont faits pour respecter la montagne et préserver cet environnement unique.
Nous ne devons pas oublier que la montagne fait vivre des populations entières : 120.000 emplois dépendent directement en France de l’ouverture des domaines skiables. Des emplois dans des territoires où le tourisme est la principale activité. Sur Valloire, les 1135 habitants vivent en grande partie grâce à la montagne. Nous ne pouvons pas être considérés comme les grands responsables du changement climatique car nous sommes les premiers à en subir les effets« , précise Jean-Pierre Rougeaux à I Love Ski.