Deux ans après avoir quitté Anniviers Tourisme, Simon WIGET prendra la direction dès mi-janvier 2020, de Verbier Tourisme. Interview exclusive de ce référent dans le tourisme suisse, qui nous confie ses passions et ses aspirations.

 

I Love Ski : Simon, pouvez-vous nous dire qui vous êtes, et nous rappeler votre parcours professionnel ?

Simon Wiget : je suis né et j’ai grandi dans le Val d’Anniviers. J’ai 43 ans, je suis marié et j’ai un fils de 11 ans. Je suis passionné de sports de montagne, j’ai vécu dans un village à 1400 mètres d’altitude entouré de 5 stations de ski.

Je me suis très souvent retrouvé sur les pistes. J’ai toujours pratiqué le ski et le snowboard dès ses débuts. Je pratique aussi le parapente, la haute montagne, la cascade de glace, le VTT, … j’ai toujours été attiré par les sports funs ou à sensations. Avec ma famille, nous avons eu la chance de beaucoup voyager. J’ai deux sœurs et un frère avec qui nous avons visité de nombreux pays, et cela a contribué à me donner goût au tourisme.

J’ai fait une partie de mes études à Sion où j’ai terminé ma « maturité scientifique » (équivalent au bac en France). Après cela, je n’ai pas voulu enchaîner avec l’uni, le côté scolaire ne me motivait pas vraiment. Quand j’ai arrêté, je pensais faire un break de un ou deux ans, mais finalement ce break a duré beaucoup plus longtemps.

Je me suis retrouvé à être moniteur de snowboard un premier hiver en me disant que je n’allais pas faire cela longtemps. Et finalement, j’y suis resté 8 saisons, j’ai passé mon BE et j’ai enseigné à Grimentz et à Champéry où j’ai été responsable technique snowboard à l’école de ski. L’été j’étais Guide de canyoning, et pilote de parapente biplace. Parallèlement, j’étais très actif dans l’événementiel.

C’est un milieu qui m’a toujours passionné, j’ai organisé des évènements liés à la prévention des accidents en freeride, notamment avec les riders de l’extrême de Verbier. Il y avait déjà un lien auparavant avec la station de Verbier de par mes activités, puisque j’allais régulièrement dans le Val de Bagne.

Tout cela m’a amené à prendre la direction de l’office de tourisme de Grimentz en 2006 car ils souhaitaient avoir quelqu’un qui vienne du terrain, avec une expérience de l’évènementiel. J’ai été approché afin que je postule lorsque la place s’est libérée, comme c’était la station à côté de laquelle j’ai grandi, je n’ai pas hésité à accepter. C’était aussi un moment dans ma vie où je voulais évoluer. J’ai adoré cette vie sur le terrain, sur la neige, dans l’eau et dans les airs, mais je me voyais mal faire ça toute ma vie.

J’ai dirigé l’Office de Tourisme de Grimentz pendant 4 ans et ensuite s’est créé Anniviers Tourisme avec la fusion des 6 communes qui ont entraîné avec elles un regroupement de toutes les entités touristiques. Les sociétés de développement sont restées mais nous avons créé une seule entité touristique avec la gestion des 5 OT et la coordination générale du tourisme sur le territoire communal.

J’ai pris la direction de cette entité et j’ai participé à son déploiement. Auparavant, j’avais participé à tous les travaux nécessaires à sa mise en œuvre, cela était particulièrement intéressant. Et cela devrait m’aider dans mes nouvelles fonctions à Verbier car il y a des nécessités de réorganisation. C’est quelque chose que j’ai déjà fait, avec plus ou moins le même nombre de collaborateurs (20-25 selon les saisons).

J’ai occupé cette fonction pendant 7 ans et parallèlement, j’ai pris (et non pas repris) les études, car je ne les avais jamais vraiment commencé et j’ai fait un Exécutive MBA, partiellement sur Annecy et partiellement en Valais. J’ai eu l’opportunité de faire une formation qui était directement en lien avec mon activité. C’était un programme franco-suisse et les liens avec la France étaient importants pour moi. Verbier fait d’ailleurs partie de l’espace Mont Blanc.

 

Après 11 ans à la direction d’offices de tourisme, j’ai eu l’opportunité de reprendre une agence de Marketing, communication et graphisme. Ce n’est pas mon domaine directement mais c’est très proche du tourisme. Parallèlement, j’ai fait du conseil en tourisme pour des communes qui souhaitaient se réorganiser ou planifier leur développement. J’ai mis un pied dans le marketing mais je suis très vite revenu au tourisme. A ce moment là, j’ai eu des contacts avec la station de Verbier qui m’a demandé si j’étais intéressé à postuler. Et finalement, en faisant du conseil en tourisme, je me suis rendu compte que le côté terrain, le lien direct avec les produits jusqu’à leur aboutissement me manquaient. Le conseil est très intéressant mais il manque ce lien direct avec l’opérationnel.

Et puis, c’est Verbier ! Je ne serais peut-être pas revenu dans ce milieu car je l’avais déjà fait. Mais c’est un écosystème qui me correspond bien, notamment au niveau de la famille puisque nous aimons bien les sports funs. Vivre dans une grande station est une nouvelle expérience. Nous vivons actuellement dans un village d’une centaine d’habitants. Cela devrait nous changer ! (rires)

Simon Wiget – Snowboard

 

I Love Ski : Quels sont vos principaux défis ? Pourquoi vous levez-vous le matin ?

Simon Wiget : Déjà, je ne suis pas du matin (rires). Blague à part, j’adore développer des projets, interagir avec les gens. C’est quelque chose que j’aime beaucoup. Le tourisme est spécifique dans ce sens car on interagit avec de nombreux partenaires sur un territoire relativement étendu. Du coup, cela donne la possibilité de développer des projets inter-partenaires très intéressants. C’est ce qui me motive le plus. Dans la vie de tous les jours, j’aime la gestion de projets qui implique d’autres personnes, d’autres entités.

Pour Verbier, il y a déjà un dynamisme qui favorise l’émergence de nouveaux projets et une très grande qualité de réalisation avec les prestataires. Cela permet de développer des choses que l’on ne pourrait peut-être pas développer ailleurs. Verbier se donne les moyens de ses ambitions, et il y a des ambitions très élevées !

 

I Love Ski : Quelle est votre plus belle réussite professionnelle ?

Simon Wiget : Sans aucun doute, la co-création de la carte d’hôte Anniviers Liberté. C’est un projet qui était fédérateur au niveau du Val d’Anniviers. L’objectif qui a été donné par la commune était de trouver un projet fédérateur et permettre de valoriser le territoire dans son ensemble. La carte d’hôte propose la gratuité durant l’été pour les transports publics, les remontées mécaniques (une vingtaine de prestations différentes) pour toutes les personnes qui logent dans la destination. C’est un projet qui a motivé tous les partenaires. Le risque financier a été pris par Anniviers tourisme, par la commune. Tout cela s’est accompagné d’une homogénéisation des taxes de séjour qui a permis de dégager des financements supplémentaires.

Cela m’a permis d’être en lien avec d’autres territoires comme Anzère qui a voulu reprendre ce concept avec un design similaire. Les deux destinations proposent d’ailleurs des échanges et des avantages réciproques.

Sur Verbier, il existe le Verbier VIP Pass. Ce genre de projet est vraiment emblématique de ce que j’aime, beaucoup de partenaires, des projets pas simples mais avec une forte valeur ajoutée.

 

I Love Ski : Si vous aviez une liste de vœux pour les prochaines années pour la montagne suisse, quels seraient-ils ?

Simon Wiget : Si l’on pouvait continuer à avoir des hivers aussi enneigés que les deux précédents, ce serait parfait !

Mon premier vœux : une poursuite de cette tendance du retour à la montagne que l’on voit ces dernières années, notamment la montagne en été. Il y a un énorme potentiel en été et en automne.

Mon deuxième vœux : contrôler le développement du tourisme. Pour les stations ce n’est pas encore trop problématique. Mais nous assistons aujourd’hui à un tourisme qui n’est plus un tourisme d’expérience mais un tourisme où on aime montrer où on est ! Cela fait partie du jeu, on travaille avec ça. Mais au fond, j’aimerais travailler et faire en sorte que les gens viennent encore pour vivre des expériences, profiter du moment, et ne pas juste dire par procuration « j’y étais ».

I Love Ski : Comment voyez vous l’avenir des sports d’hiver en général, et du ski en particulier ?

Simon Wiget : Il y a eu une prise de conscience importante de la part des acteurs suisses de redonner un coup de boost au ski. Nous avions tendance à penser que le ski devait toujours fonctionner en hiver. Finalement, avec le développement d’autres offres low cost, en hiver, on fait aussi autre chose que du ski. Le tourisme citadin est aussi devenu une concurrence pour le ski.

Ce regain de sensibilisation de la part des acteurs a plutôt été positif et cela devrait continuer pour rendre le ski « sexy » et le maintenir attractif. Il y a de gros investissements réalisés dans les remontées mécaniques qui augmentent leur attractivité mais qui nécessitent aussi une forte fréquentation pour être rentabilisés.

Pour des stations d’altitude comme Verbier, je me fais moins de souci car nous serons dans les derniers à être impactés par le changement climatique, notamment grâce à une excellente installation de neige de culture.

Par contre, ce sera moins facile qu’avant. Il va falloir développer des activités connexes. Les gens viendront faire du ski et autre chose. Nous devons poursuivre nos efforts. Il y a encore une marge de progression, notamment au niveau de l’expérience dans le ski.

Dernier point qui nous fait dire que le ski est loin d’être mort, c’est qu’il s’agit de l’un des rares sports relativement facile d’accès qui permet d’avoir une valeur ajoutée immédiate. De nos jours, le ski correspond à la demande d’immédiateté (une fois passées les difficultés liées à l’apprentissage de base), et on ne communique peut-être pas suffisamment sur cela.

 

I Love Ski : Où vous voyez-vous dans 5 ans ?

C’est difficile à dire. Dans 5 ans, je me vois encore à Verbier car il faut du temps pour mettre en œuvre des projets.

Au début de ma carrière dans les OT du Val d’Anniviers, j’avais comme philosophie : « 3 ans minimum – 5 ans optimum – 10 ans maximum ». J’en ai fait 11 !

Dans tous les cas, c’est bien pour une destination qu’il y ait des nouvelles personnes qui viennent. De mon côté, cela dépendra beaucoup des projets qui seront réalisables. Ma priorité est de pouvoir développer de beaux projets et avoir du plaisir dans ce que je fais.