I Love Ski : Selon vous, pourquoi y a t’il encore si peu de femmes à la tête des stations de ski ?
Blandine Tridon : Selon moi, il y a plusieurs raisons :
– Tout d’abord, dans les stations, il y a historiquement une tendance à ce que les directeurs soient plutôt des ingénieurs. C’est le côté technique qui a dominé jusqu’à présent, alors que nous sommes convaincus aujourd’hui que la dominante est le management et la capacité à gérer l’écosystème d’une station et sa complexité. Il y a un historique très tourné « Remontées Mécaniques », au sens technique du terme, et on retrouve peu de femmes dans les formations techniques comme les écoles d’ingénieurs.
– Ensuite l’opérationnel : on constate que souvent les carrières féminines passent un peu moins par de l’opérationnel, alors que dans le secteur des sports d’hiver l’opérationnel semble donner de la légitimité. On retrouve assez souvent des femmes dans les Comités de Direction mais à des postes plutôt fonctionnels (DRH, Com). Pour aller vers un poste de direction d’entreprise, l’expérience dans l’opérationnel est souvent privilégiée.
J’ai été pendant auparavant durant 10 ans directrice de l’exploitation de l’enseigne Maeva (résidences de tourisme), avant d’acccéder à des fonctions de dirigeante. Chez LabelleMontagne, nous considérons qu’un directeur de station n’a pas un mono profil. Nous essayons plutôt de cultiver des profils différents, avec des composantes plus commerciales, de management, etc. Un groupe comme le nôtre gagne à avoir cette variété de profils.
Peu de femmes postulent aujourd’hui à des postes de Direction de stations de ski. Je pense qu’il s’agit d’une auto-censure, qui n’est pas consciente, de la part des femmes, face à un métier et un secteur d’activité un peu conservateur.
Pour nous, un directeur de station doit avoir des connaissances techniques, mais ce n’est pas fondamental car il sera accompagné. Son métier est de gérer, piloter l’ensemble : marketing, technique, management, sécurité. Je ne vois rien en soi qui fasse qu’il y ait un frein à recruter une femme. Malheureusement, dans nos recrutements, ce ne sont pas les profils féminins qui se bousculent. Nous retrouvons des femmes dans des postes plutôt N-1.
I Love Ski : Que peut-on faire pour changer cela ?
Blandine Tridon : Il est important de communiquer sur le sujet, et je partage volontiers mon parcours et mon expérience pour faire changer les choses. Dans les remontées mécaniques, je ne rencontre pas beaucoup d’homologues féminins, c’est petit à petit que l’on fera bouger les lignes.
Il y a des femmes qui ouvrent aujourd’hui la voie et je suis convaincue que d’autres vont se projeter dans ces métiers.
I Love Ski : Quelle valeur ajoutée peut apporter une femme dans une station de ski ?
Blandine Tridon : Je réponds souvent à cette question par une pirouette (rires).
Je joue au tennis de table et je suis gauchère. En face, mes adversaires n’ont pas toujours l’habitude de jouer contre une gauchère. Quand je joue, je ne pense pas que je suis gauchère, je pense « je vais gagner » et je joue tout simplement.
Dans mon métier c’est pareil, je ne manage pas en pensant que je suis une femme. Je fais mon métier, tout simplement.
De manière générale, nous avons tout à gagner à entrer dans la diversité. Une femme dirigeante, d’une certaine manière, peut s’autoriser un champ plus large d’intervention, qu’il soit plus masculin (direct), mais aussi plus empathique.
Mais je considère qu’un homme peut aussi aller chercher ces spécificités.
Selon mes situations, j’adapte mon approche.
Dans le monde de la montagne, il y a une grande complexité d’intervenants, et savoir moduler son mode d’intervention, c’est à mon avis un plus. C’est un mix et il faut pouvoir s’appuyer sur la compétence, l’expertise, et aller chercher des modes d’intercommunications plus variés. Ce sont la diversité et la mixité qui font qu’une entreprise fonctionne mieux.
Dans la montagne, il y a l’image du conducteur d’engin de damage, gros bras. Et puis il y a des femmes qui sont venues sur ces postes là. Ce métier n’est pas un métier de force mais plutôt de précision : bien respecter un plan de damage, optimiser le damage. La mixité croissante ne peut que profiter à nos équipes.