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I Love Ski : Michel Pélieu, pouvez-nous nous présenter votre parcours professionnel et votre implication dans la vie publique ?

Michel Pélieu : Après le Baccalauréat, j’ai fait mon service militaire et je suis rentré très rapidement à l’Equipement où j’ai fini comme contrôleur principal.
J’ai quitté l’Equipement très tôt, à l’âge de 55 ans, et cela m’a permis de m’impliquer totalement dans la vie publique. Ma première élection remonte à 1971 en tant que conseiller municipal de la commune de Loudenvielle. En 1977 je suis devenu Maire de la comune de Loudenvielle (65), et en 1983 j’ai pris la présidence du Syndicat Thermal et Touristique de la Vallée du Louron, structure chargée d’aménager le fond de la vallée du Louron, le lac et tous les équipements de loisirs autour du lac de Loudenvielle.
En 1985 j’ai été élu conseiller général, et j’avais pris l’engagement de ré ouvrir la station de ski de Peyresourde fermée depuis 5 ans où j’ai été élu le président en 1984. J’ai engagé un rapprochement avec la station voisine des Agudes et en 1988 nous avons créé la station à cheval sur deux départements : Peyragudes, par la contraction de Peyresourde et des Agudes.
Dans le cadre d’une société d’économie mixte avec un groupe privé qui était l’émanation de la SOGEA, elle-même émanation de la Compagnie générale des eaux, nous avons eu 3 années très dynamiques en investissement mais malheureusement avec trois hivers très difficiles (hivers 88-89, 89-90 et 90-91).
En 1992, la SOGEA a demandé la possibilité de se retirer et nous avons négocié un accord intéressant nous permettant de reprendre la gestion de la station. Nous avons créé une association Loi 1901 pour maintenir la structure juridique de SEM et la station a connu un essor important. En 1985, nous étions parmi les dernières stations de ski de la chaine des Pyrénées et 15 ans plus tard, nous étions, et sommes encore, dans les toutes premières stations des Pyrénées. Nous avons également développé plusieurs projets immobiliers sur Peyresourde.
La station de ski de Peyragudes génère aujourd’hui entre 9 et 10 millions d’euros de CA Remontée Mécaniques sans compter les activités de gestion de l’immobilier. C’est une société qui enregistre environ12 millions d’euros de chiffre d’affaires, qui emploie jusqu’à 180 personnes en hiver, une quarantaine à l’année et qui a généré autour de nombreux commerces et une activité économique importante.
Parallèlement, en tant que Président du Syndicat Thermal et touristique, j’ai engagé la création du premier centre thermoludique des Pyrénées françaises, en l’an 2000 : Balnéa – Tous les bains du monde. Dès la première année, nous avons connu un certain succès, avec 7 emplois, 50.000 entrées et un chiffre d’affaires relativement modeste. Le succès de Balnéa a été au rendez-vous à tel point qu’il a fallu rapidement construire de nouveaux espaces : le premier était un espace romain et le deuxième un espace amérindien. Ensuite nous avons développé des soins en cabine, des bains japonais, qui nous ont d’ailleurs permis de gagner jusqu’à 20% de chiffre d’affaires supplémentaires. Puis nous avons créé un espace Inca, et actuellement un bassin est en cours de construction : les bains Mayas. Aujourd’hui, 20 ans plus tard, nous sommes à 300.000 entrées, 5 millions d’euros de chiffre d’affaires HT, 45 emplois et jusqu’à 70 en période estivale. C’est une activité qui fonctionne très bien et qui me donne moins de souci que la neige, car elle est moins tributaire des aléas climatiques.
Nous avons également fait du développement dans l’ensemble de la vallée ; nous construisons actuellement une liaison par télécabine entre Loudenvielle et Peyragudes pour faire en sorte de mettre en synergie le domaine d’altitude et la vallée. Le bas de vallée est une importante zone de loisirs avec du vol libre, des cheminements piétons et équestres, des descentes en VTT…. La finalité est de déboucher sur un parc d’attractions qui englobera le site d’altitude (dans lequel on retrouvera des tyroliennes, des luges et des équipements ludiques en été) raccordé à la partie basse par la télécabine qui servira d’ascenseur mais aussi de « petit train ludique ». L’installation sera baptisée le « SkyVall » : « Sky » pour le côté aérien de la télécabine et « Vall » pour Vallée du Louron. C’est aussi un clin d’œil à Skyfall, le film de James Bond car Peyragudes a eu l’opportunité d’être un lieu de tournage d’une séquence de James Bond.
Sans oublier l’aménagement d’un camping 5 étoiles avec des hébergements sous forme de bungalows, avec piscine, des jacuzzis, des saunas, etc.
Dans quelques semaines, va démarrer la construction d’un hôtel 4 étoiles de 60 chambres ainsi que d’autres programmes immobiliers.
Lorsque j’ai été élu conseiller général en 1985, je suis resté longtemps vice-président et c’est en 2011 que je suis devenu Président du département des Hautes-Pyrénées sur lequel j’essaie d’apporter de l’innovation, dans un contexte difficile où les départements sont un petit peu malmenés par manque de moyens. Mais cela nous oblige à être plus intelligents et à réfléchir pour trouver des solutions à nos problèmes.

I Love Ski : Quels sont vos principaux défis ? Pourquoi vous levez-vous le matin ?

Michel Pélieu : Je me lève le matin car j’ai une passion pour tout cela. Je suis sans doute un élu atypique, je ne suis pas l’élu qui se lève pour faire de la politique politicienne. Ce qui m’intéresse et me motive, c’est de construire, de bâtir. J’ai été sénateur durant 4 mois en remplacement du sénateur titulaire qui est décédé en cours de mandat. J’aurais pu faire le choix d’aller au Sénat, cela aurait été bien plus confortable pour moi, y compris sur le plan matériel. Mais les 4 mois que j’ai passé en tant que sénateur ne me correspondent pas. Je préfère être ici, sur le terrain. Sur le département, je fais un peu ce que j’ai fait dans ma vallée mais à une échelle plus grande, on construit, on bâtit, on rénove, on fait des routes, on est d’avantage acteur du développement. Je vis ça avec passion.
Le jour où je ne ferai plus rien, il ne me reste plus qu’à mourir (rires). Jai besoin de ça pour vivre, j’aime être épuisé par le travail, d’abord parce que je suis mauvais dormeur (rires) et si je ne suis pas fatigué, je ne dors pas. Il me faut trouver de la fatigue physique, intellectuelle. Je m’éclate dans la vie d’élu.

I Love Ski : Quelle est votre plus belle réussite professionnelle et dans la vie publique?

Michel Pélieu : Sur le plan professionnel, j’ai eu la chance d’être dans une administration d’Etat. J’étais souvent sur la route, dehors, je me suis régalé. Cela m’a également laissé une certaine souplesse dans l’utilisation de mon temps pour gérer concomitamment une vie professionnelle et une vie publique. Je ne me plains pas de ma carrière professionnelle, j’aurais pu gravir quelques échelons de plus si j’en avais fait le choix. Mais j’ai priorisé la vie publique et je suis parti très tôt à la retraire.
Dans la vie publique, lorsque je me retourne, je crois que ce que j’ai pu réaliser dans la Vallée du Louron aura marqué une page d’histoire, dans cette vallée qui en avait bien besoin.
Balnéa est sans aucun doute ma plus grande réussite. Lorsque j’ai lancé ce projet, peu de monde croyait en moi, pour ne pas dire personne. Même les membres de mon conseil municipal n’ont pas osé me dire non. Avec deux communes de moins de 500 habitants, nous avons investi 15 millions d’euros. L’emprunt a toujours été couvert par la redevance d’exploitation, payée par la société d’exploitation que je préside. J’ai été maître d’ouvrage mais aussi exploitant et l’exploitant a toujours payé au maitre d’ouvrage une redevance qui permettant de couvrir l’annuité d’emprunt. Aujourd’hui Balnéa dégage du résultat, et les 15 millions d’investissement n’ont jamais pesé sur la fiscalité locale. C’est une grande réussite.

I Love Ski : Vous êtes un défenseur, un développeur de la montagne. Si vous aviez une liste de vœux pour les prochaines années pour la montagne pyrénéenne, quels seraient-ils ?

Michel Pélieu : La montagne pyrénéenne ne doit par devenir une réserve naturelle. Je pense que l’on peut arriver à faire un développement harmonieux et équilibré de la montagne, respectueux, et moderne (je crois pouvoir dire que nous le démontrons à l’échelle de ma vallée). Aujourd’hui il y a des documents d’urbanisme qui précisent les zones à construire, le type d’architecture. Si on veut qu’il y ait encore une vie dans la montagne pyrénéenne, il faudra du tourisme. Je suis bien évidemment un défenseur du pastoralisme, de l’agro pastoralisme, en particulier des produits agro-alimentaires du territoire, des circuits courts, qui permettent de vendre les produits locaux de manière directe. Néanmoins, il nous faut accueillir une population touristique si l’on veut générer une activité et de l’emploi. Il faut continuer à développer le tourisme, sans tomber dans des développements abusifs, mais sans non plus être infantilisés.
De ce point de vue là, c’est un reproche que je ferai à l’Etat : chaque fois que l’on est porteur d’un projet, nous avons l’impression d’être des incapables majeurs à qui il faut poser des règles. Je vis mal cette situation, et je cois que l’Etat devrait faire un nouvel acte de décentralisation, garder des pouvoirs régaliens (la justice, l’éducation, la défense, l’armée) mais laisser les départements gérer leurs territoires.
Je veux bien que l’on introduise par exemple des ours, mais pas au détriment du pastoralisme et des activités. L’introduction d’un ours coûte entre 1 et 2 millions d’euros, et parallèlement on nous explique que l’Etat doit fermer une Perception, ou d’autres services publics. Je conçois qu’il y ait des services publics qui n’ont plus lieu d’être pour faire des économies mais face à l’introduction d’un ours qui coûte 1,5 million d’euros, je trouve qu’il y a des incohérences.

I Love Ski : Comment voyez vous l’avenir des sports d’hiver en général, et du ski en particulier ?

Michel Pélieu : Contrairement à ce que beaucoup veulent nous faire croire, si le ski est fini, tout est fini ! Le modèle économique dans lequel nous sommes, et qui nous pousse à aller vers un développement 4 saisons est confronté à la réalité du ski : le ski reste le principal produit d’appel des territoires de montagne. Sur un chiffre d’affaires annuel de 100, le ski représente à minima 80, voir 85. Progressivement, le positionnement 4 saisons permettra d’augmenter la proportion des autres saisons, mais quand nous atteindrons la proportion 70-30, nous aurons certainement fait le maximum.
Il faut rationnaliser le ski, l’heure n’est pas à l’extension des domaines skiables, mai plutôt à optimiser les stations de ski avec moins de remontées mécaniques et des remontées plus performantes : lorsque l’on investit 4 ou 5 millions d’euros dans un télésiège, il faut inclure systématiquement les travaux de pistes et un réseau de neige de culture permettant d’enneiger la piste et être en situation, quel que soit l’hiver, de proposer un produit  ski minimum. Cet hiver, beaucoup de stations pyrénéennes sont restées fermées à Noël et sur Peyragudes par exemple, grâce au réseau de neige de culture dont dispose la station, nous avons été en mesure de proposer un produit ski propre.
Tous les hivers, il y a une plage de froid qui nous permet de produire de la neige, et tous les hivers il y a une couche minimum de neige. Il faut maintenir le produit ski dans toutes les stations, tout au moins les plus importantes. Il y a des stations qui n’atteignent pas le seuil et qui sont tentées par des repositionnements, cela mérite d’être réfléchi.
D’autre part, nous devons inciter les jeunes à faire du ski : au niveau du département des Hautes-Pyrénées, nous amenons tous les ans des jeunes à faire du ski, en leur offrant le transport, les cours de ski, les forfaits, pour leur donner l’envie d’aller au ski.
Il faut de plus en plus professionnaliser le métier et travailler avec des structures d’hébergements de qualité : il reste encore beaucoup de chemin à faire, notamment en ce qui concerne l’hôtellerie. Les stations italiennes des Dolomites proposent presque systématiquement des hébergements sous forme d’hôtels et les Pyrénées, de ce point de vue là ont un retard considérable. Je me suis battu pour sortir un projet d’hôtel 4 étoiles dans la Vallée du Louron, et j’espère qu’il y en aura beaucoup d’autres.
Pour un séjour au ski, il faut qu’il y ait un minimum de neige, et il faut des hébergements adaptés, des accès faciles, aller chercher des clientèles internationales. Nous travaillons avec l’aéroport de Tarbes et de Pau pour faire venir ces clientèles. Un parisien doit savoir que s’il vient en avion et qu’il part de chez lui à 9h, à midi il peut être sur les pistes. De Paris à Tarbes, il faut 1 heure en avion, pour traverser l’aéroport il faut 3 minutes, et le taxi est devant la porte : en une heure, on est sur les pistes.
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