I Love Ski : Qu’est ce qui vous a poussé à prendre la direction d’une station de ski comme celle de Métabief ?
Olivier Erard : Le hasard ! En tant qu’ingénieur des mines, je suis plutôt issu de l’environnement. J’ai notamment passé plusieurs années en Amérique du Sud pour étudier la réaction des glaciers au phénomène de El Niño.
L’un de mes moteurs est l’homme dans son milieu. Jai commencé par développer une compétence sur la gestion de la ressource en eau. Assez défaitiste sur ce sujet, j’ai toujours garder un peu d’espoir que les collectivités avaient un grand rôle à jouer dans ce domaine. Je me suis donc occupé de l’environnement au sein du département du Doubs, en traitant notamment des problématiques d’assainissement, d’eau potable…
Je suis également accompagnateur en montagne, car la montagne représente mon terrain d’épanouissement personnel.
En 2006 le département m’a confié le projet Eau sur la station de Métabief afin de justifier le projet de Neige de Culture, en analysant les différents bassins versants du territoire.
En 2008, un travail complet a été élaborer pour identifier précisément les différentes ressources en eau de la zone. Ce territoire est déficitaire, et nous avons réalisé une démarche de structuration, afin de trouver de la ressource en eau potable et en eau pour la neige de culture.
De son côté, la station de ski de Metabief était dans un marché de services pendant 9 ans Le département voulant reprendre la main sur la gestion de la station, il décida de la création d’une Régie entre 2010 et 2012. Ces années furent particulièrement difficiles, avec des changements profonds au niveau du personnel. Mais on apprend. Il fallait qu’il y ait du sens. Il n’y avait de comptabilité entre les gens et la station.
C’est en 2012, que l’on m’a proposé de devenir Directeur et j’ai saisi l’opportunité de créer une toute nouvelle équipe avec un nouveau responsable technique et un nouveau responsable des pistes. Je peux dire aujourd’hui qu’il s’agit d’un Trio gagnant.
Concrètement, on est passé d’une station connues pour ses pannes à 0 pannes, le retour client sur le personnel est très positif, nous avons augmenté la fréquentation et le chiffre d’affaires de la station.
I Love Ski : Que vous ont apporté vos origines professionnelles ?
Olivier Erard : Mon regard donne un regard plus « éco ». J’ai souvent plaisir à dire que je suis passé de l’autre côté de la force !
C’est souvent facile d’être du côté des bien-pensants. Mais lorsque l’on est confronté à la réalité, nous apprenons à agir avec des contraintes. On adapte forcément sa manière de voir les choses. J’ai la chance d’avoir les deux visions, celle du scientifique et celle du gestionnaire. Ce qui est véritablement important c’est l’humain.
I Love Ski : Vous prônez le Management par la confiance, l’entreprise libérée. Pouvez-vous nous donner quelques explications ?
Olivier Erard : Le principe consiste à donner plus d’autonomie mais aussi plus de responsabilité, et gagner en productivité. Pour être dans l’autonomie, il faut de la compétence. Pour y parvenir, nous faisons le choix d’internationaliser les compétences, dans le souci d’apprendre, et d’améliorer les compétences. Parfois, on perd du temps mais c’est un pari sur l’avenir. L’enjeu est de faire durer le plus longtemps possible des installations et maintenir un outil de travail.
Concrètement, nous vérifions régulièrement que nous avons toujours les mêmes valeurs. Nous avons beaucoup travaillé avec les managers sur des outils d’apprentissage, nous sommes dans la pédagogie, le contrôle des compétences.
Nous produisons des outils maison d’amélioration continue, pour que nos salariés soient force de proposition. Nous développons des actions de cohésion d’équipe : C’est notre station !!!
Chez nos voisins en Suisse on gagne 2 fois plus : c’est finalement une chance d’avoir un eldorado juste à côté, pour donner du sens aux choses, de savoir pourquoi les gens restent chez nous.
I Love Ski : L’emploi fait partie de vos grandes problématiques. Racontez-nous.
Olivier Erard : Ce qui est important, c’est l’emploi dans sa qualité. Je ne suis pas un gros employeur, économiquement je pèse peu sur le territoire.
L’emploi est un engagement, les gens veulent travailler pour la station de Métabief et nous travaillons tous les jours pour redonner sa chance à un salarié, favoriser des parcours d’insertion, aider des travailleurs qui ont connu des accidents de la vie, qui ont des parcours cabossé.
Nous souhaitons être une entreprise relai. Je ne sais pas si c’est le hasard ou la nécessité. Il est vrai que nous avons peu de choix sur le recrutement : soit nous sommes face à des gens qui veulent travailler, soit en face de personnes qui n’ont pas le choix.
De notre côté, nous en faisons une force, il faut rassurer les gens, avoir beaucoup d’écoute, mettre en place une démarche de suivi personnel. J’ai d’ailleurs créé un poste de responsable Ressources Humaines, rare dans une petite entreprise, son bureau est toujours ouvert pour être à l’écoute des salariés.
La limite de l’exercice consiste â être honnête avec le personnel. C’est un enjeu : savoir donner des passerelles vers d’autres employeurs.
L’an dernier, nous avions un taux de fidélisation entre 40 et 50%. Nous avons développé des outils de formation interne avec des relais de management. Nous avons misé sur des personnes à fort capital pour être formatrices.

Photo : Station de Métabief en hiver
I Love Ski : La station de Métabief est engagée dans la démarche BIOM et a obtenu le résultat de 71%. Un bon résultat en terme de Responsabilité sociale. Quelles sont les prochaines pistes de progrès ?
Olivier Erard : Nous avons plusieurs thèmes sur lesquels nous souhaitons progresser :
– La maitrise de l’énergie
– L’environnement : nous souhaitons devenir force de proposition sur des techniques de gestion de zones humides, de revégétalisation. Nous ne voulons pas être dans le minimum, mais être dans l’innovation. Nous devons également augmenter le relai de médiation auprès de la clientèle, et faire de la biodiversité un produit d’appel, savoir toucher les individus sur leur pratique. Nous travaillons d’ailleurs sur un projet européen, le Projet Life.
– L’accueil de travailleurs handicapés : à ce stade, je pense que nous ne sommes pas encore assez mâtures pour s’ouvrir à ce type de démarche, mais j’ai espoir que nous puissions y travailler prochainement.
I Love Ski : Quelle est votre principale satisfaction ?
Olivier Erard : Les retours clients sur la qualité d’accueil, le sentiment que les salariés sont heureux. C’est un peu l’effet Bifidus : ce qui se fait à l’intérieur se voit à l’extérieur !
C’est une grande satisfaction en tant que directeur et animateur de la gouvernance.
I Love Ski : Quel a été votre moment le plus difficile ?
Olivier Erard : Il faut toujours avoir toujours conscience que rien n’est jamais acquis.
Le moment le plus difficile est sans aucun doute le suicide d’un collègue, et des problème de drogues. Cela nous ramène inévitablement à la réalité. Et elle nous revient avec une certaine douleur.
Nous sommes toujours dans cette incertitude humaine qui peut être tellement géniale et tellement moins géniale.
I Love Ski : Le mot de la fin …
Olivier Erard : En 2040, on nous annonce qu’il n’y aura plus de neige. Nous devons impérativement changer notre modèle, aujourd’hui nos élus portent un discours très différent, et petit à petit on prend conscience que la technologie ne nous sauvera pas de tout.
Il vaut mieux croire qu’il n’y aura plus de neige en 2040 : s’il n’y en a plus, nous serons prêts, et s’il y en a encore, nous saurons faire.
Nous sommes obligés de prendre conscience de cette réalité. Nous devons nous préparer dès maintenant car cela prend du temps à se transformer.
Il faut un regard plus fin sur l’avenir des domaines skiables en France. Il faut accompagner les petites et moyennes stations, et prendre conscience que l’impact d’une fermeture d’une station peut avoir une incidence forte sur tout le secteur des sports d’hiver.
Il faut prêter attention aux petits sites de montagne et à leur problématique, car ils vivent actuellement des mutations profondes.